vendredi 19 janvier 2018

La Dernière corvée (Hal Ashby, 1973)

Maintenant, je vois les liens entre La Dernière corvée et Last flag flying de Richard Linklater. Deux Marines aguerris en poste à Norfolk en 1973, pendant la présidence Nixon finissante, doivent escorter un plus jeune. Jack Nicholson est Buddusky qui fume le cigare comme le fera Ryan Cranston, Otis Young est Mullhall quand Laurence Fishburne était Mueller (Mullhall se fait surnommer Mule, prononcez mioule) enfin Randy Quaid est Larry Meadows portant le même prénom que Steve Carell.

C'est un voyage à trois sur cinq jours jusqu'à la prison de Portsmouth près de Boston. Et qu'a donc pu faire ce pauvre Larry, à peine 19 ans, pour aller en prison. C'est expliqué par le colonel de Buddusky et Mullhall : il a volé l'argent de la collecte pour la lutte contre la polio, à peine 40 dollars. Ça lui vaut 8 ans de prison, un peu beaucoup, mais la responsable de cette collecte est la femme de l'amiral, le supérieur de Larry. On ne badine pas avec la hiérarchie dans la Navy.

Larry est un puceau, un grand timide qui ne cause guère, l'inverse de Buddusky, toujours le bon mot à la bouche et le sarcasme en bandoullière. Son nom n'est pas simple à prononcer, on l'appelle Budass, jeu de mots avec badass, connard en anglais. Pour l'instant, Larry appelle ses deux matons « sir » et garde la tête baissée. Il a des menottes aux poignets et c'est ainsi qu'ils entament ce voyage, ce grand gaillard encadré par un petit blanc à moustache et un noir, trois marins au chapeau blanc et à la gabardine noire.

Enlever les menottes ou ne pas les enlever, telle est la question. Dès le premier trajet pour Washington, capitale des Etats-Unis, Buddusky décide qu'il faut lui retirer les menottes notamment pour des raisons de sécurité dans le car, au cas où un accident surviendrait. Puis dans le train qui les mène vers Philadelphie, les menottes seront supprimées, même si Larry succombe à sa kleptomanie, il pique des objets dont il n'a même pas besoin. Il avoue d'ailleurs qu'il n'a pas volé l'argent de la polio, il s'est fait surprendre avant.

Washington, Philadelphie, Camden, New York, Boston, Portsmouth. Chaque ville est l'occasion d'une expérience nouvelle et une seule par ville, car comme le dit Larry à ses compagnons « ainsi je garderai de chaque expérience un souvenir unique ». Chaque trajet où Hal Ashby filme les cars ou les trains se déplacer entre les villes est accompagné, non sans ironie, par une marche militaire, un petite ritournelle martiale mais joyeuse. Le ton est d'abord celui de la comédie.

Boire sa première bière, d'abord tenter d'entrer dans un bar chic où le serveur raciste se plaint non seulement d'être obligé de servir un noir mais refuse de vendre à boire à un mineur. Peu importe, Budass décide d'acheter de la bière et ils iront picoler dans la chambre d'hôtel jusqu'au bout de la nuit. Ils ratent le train le soir, mais ça ne fait rien, ils prendront le suivant. Larry en profitera pour manger un cheeseburger au fromage bien fondu (que le serveur devra aller réchauffer) ou manger des hot-dogs dans un parc.

Faire des choses pour la première fois consiste aussi à dépuceler le kid, comme les deux gardiens l'appellent. A New York, ils espèrent, après une visite incongrue dans une secte où les adeptes se forcent à vivre le bonheur, que la dame qui les invite pourra coucher avec Larry. Mais c'est à Boston, grâce à un chauffeur de taxi compréhensif, que le gamin ira faire l'amour avec une prostituée qui fait la moitié de sa taille. Tellement excité, il éjacule avant même de s'être déshabillé, ses amis lui paieront une deuxième passe.


Plus les trois marins remontent vers le nord, plus le temps se détériore. Après une visite avortée pour que Larry rencontre sa mère, la neige commence à tomber et le froid se fait ressentir. C'est à ce moment que Larry commence à réaliser que ces cinq jours de liberté totale vont finir et que les huit ans de prison à Portsmouth vont être terribles. C'est dans ce souvenir de la prison que le film de Richard Linklater prend le relais où le Larry de Steve Carell reste cet homme timide qui plus de 40 ans après est resté dans ce coin sinistre pour vivre.

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