lundi 29 janvier 2018

Gentleman Jim (Raoul Walsh, 1942)

Si on ne peut pas faire d'un boxeur un gentleman, on peut faire d'un gentleman un boxeur déclare l'un des membres du club select dans le San Francisco en 1887. Pas n'importe quel membre, il s'agit du Juge Geary (Wallis Clark), amateur de boxe plus musclée que celle qui se donne dans son club mondain. Il a assisté à un combat clandestin dans un quartier populaire de la ville et s'est fait arrêté avec deux de ses employés, Walter Lowrie (Jack Carson) et James J. Corbett (Errol Flnn).

Ce dernier est un Irlandais pur jus toujours prêt à se battre pour un oui pour un non. Il a été à la bonne école. L'un des plus amusants gags récurrents de Gentleman Jim est justement que « les Corbett remettent ça », Jim se dispute avec ses deux grands frères rustauds et sortent de la maison familiale pour se donner des coups de poing dans la grange. Une famille comme aime les dépeindre Raoul Walsh, des impulsifs au grand cœur, grands buveurs de bière et fiers d'eux.

Jim Corbett a sauvé la mise de son patron en racontant un joli bobard au policier. Le Juge Geary lui en sera reconnaissant en le faisant entrer dans son club olympique. Plus précisément, il n'a pas vraiment pas le choix parce que Jim s'invite lui-même au club. La visite se fait en compagnie de Vicky Ware (Alexis Smith), cliente de la banque où travaille Corbett. Ce dernier l'accompagne jusqu'au club pour l'escorter elle et l'argent qu'elle apporte à son père M. Ware (Minor Watson).

L'arrivée de Jim, pas encore gentleman, ne se fait pas vraiment avec discrétion. Disons que Corbett en fait beaucoup pour se faire remarquer embauchant un employé pour qu'il circule régulièrement et faisant croire que Corbett est un homme important (« paging Mr. Corbett »), autre gag récurrent du film. Tous les membres du club pensent non seulement qu'il a pris la grosse tête mais qu'en plus il faut lui rabattre le caquet, quand bien même les Ware sont issus d'un milieu similaire.

Comme Jim Corbett se prend, dès son arrivée au club sans avoir pris le temps de s'entraîner, pour un boxeur, le prétendant de Vicky Ware, le distingué et snob Carlton De Witt (John Loder) provoque un combat pour se débarrasser enfin de cet encombrant trublion : il s'agit de l'humilier, de lui faire ravaler son amour propre. Pas de chance pour De Witt et ses partisans, le juge Geary, Mr. Ware et sa fille Vicky, Jim Corbett gagne le combat avec brio.

La réception qui suit cette victoire est le premier nœud dramatique de Gentleman Jim. Corbett et son meilleur ami Walter paradent lors de cette soirée, méprisés par tous les mondains. L'alcool fait son œuvre sur Walter qui navre les dames patronnesses par son allégresse, sa franchise et son absence de gêne. Quant à Jim, il embrasse Vicky qui le rejette comme un malpropre « un Irlandais des taudis doté d'un légendaire culot ». Furieux et humiliés les deux hommes s'en vont.

Vicky Ware est l'un des plus étonnants personnages de femme du cinéma de Raoul Walsh. Loin des femmes sages comme les partenaires habituelles d'Errol Flynn et terrifiées par la violence de la boxe, elle prend au contraire du plaisir à regarder ces combats. Le ressort du film est le rejet de Jim par Vicky, on sait pertinemment qu'ils s'aiment, mais elle refuse de l'admettre et ce combat contre sa propre nature est l'équivalent des combats que mène Jim contre ses adversaires boxeurs.

Errol Flynn porte dans ses combats un collant ou un short et se bat torse nu, sa finesse par rapport aux costauds velus détonne. Il prend sur le ring un soin tout particulier à ne pas se décoiffer, notamment lors du combat contre Sullivan, l’idole de son père (Alan Hale). En ville, il met un point d'honneur à s'habiller avec un chic exquis, il mange avec une cravate chez lui sous les moqueries de ses frangins et il porte à merveille le costume nœud papillon.


Ces combats dans Gentleman Jim sont au nombre de trois dans un crescendo dramatique, d'abord un tocard, puis un champion local enfin un champion du monde, John L. Sullivan (Ward Bond, génial en star du ring). Raoul Walsh filme ces trois combats à l'intérieur du ring, caméra subjective pour les coups reçus, plans en plongée sur le stade, plans sur les spectateurs, un montage alterné pour ménager le vrai suspense du film : Vicky va-t-elle enfin applaudir Jim ?


























Aucun commentaire: