mercredi 8 novembre 2017

Le Petit monde de Don Camillo (Julien Duvivier, 1952)

Depuis toujours, je crois que le village de Don Camillo est au sud de l'Italie, dans le Mezzogiorno et non dans le nord, en Emilie au bord du fleuve Pô. Il faut dire que Fernandel est l'acteur méridional par excellence depuis Ignace (« c'est un petit petit nom charmant » chantait-il, le premier film vue par ma mère pendant la guerre). Tous les villageois ont l'accent du sud, comme dans le Var, je n'ai jamais vu Le Petit monde de Don Camillo qu'en version française (après tout, c'est logique, les deux premiers films, les meilleurs, sont réalisés par Julien Duvivier). Bref, j'ai encore du mal tant d'années après à concevoir que le film ne se déroule pas dans le sud.

J'avais le droit de regarder Don Camillo (son nom est prononcé ca-mi-lo et non ca-mi-yo, ça aussi je l'avais oublié), mon père trouvait ça complètement con, ma mère aimait bien mais elle préférait le livre de Giovanni Guareschi. Fernandel fait partie, comme Louis de Funès, de mon ADN de cinéphile, j'ai grandi avec lui. Ce qui m'a encore étonné dans le film (je regarde tous les Don Camillo en ce début novembre) est qu'il tutoie Peppone (Gino Cervi) quand ce dernier vouvoie Don Camillo, une marque de condescendance et de supériorité. Peppone, avec sa moustache ressemble tout à la fois à Guareschi (un écrivain très réactionnaire) et à Staline.

En début de récit, il vient d'être élu maire de la commune. Porté à bout de bras par ses partisans, des pancartes « W PEPPONE » sont visibles, là aussi, l'enfant que j'étais ne savais pas que Viva pouvait s'écrire en italien W. Le film se situe en 1946, juste après la proclamation de la République. Peppone est un maire communiste, le PCI a longtemps été puissant, le premier parti de gauche en Italie, bien que jamais au pouvoir, ce qui apparaissait de plus en plus incongru quand en France le PCF était déjà maigre à l'époque où je regardais le film. Ce qu'apprend la voix off est que le curé et le maire ont été résistants tous les deux, des ennemis farouches de Mussolini. Mais une fois la guerre finie, ils redeviennent naturellement adversaires.

Le Petit monde de Don Camillo n'a pas vraiment de trame scénaristique c'est une chronique au jour le jour avec une combinaison de saynètes pittoresques. L'antagonisme partisan est le leitmotiv narratif. En premier lieu, l'adversité entre Don Camillo et Peppone quand ce dernier devient père d'un nourrisson qu'il veut prénommer Lénine. « Comment va le petit Lénine » demande avec sarcasme Don Camillo. Le curé refuse de la baptiser avec ce nom. Finalement, le maire se résoudra à nommer son fils Libero Camillo Lénine. Car malgré leur bisbilles incessantes, les deux hommes à la tête d'une troupe chacun s'aiment profondément et chaque nouvelle bataille se termine par une résolution commune.

Les personnages secondaires à prendre part au récit sont d'abord un couple de jeunes amoureux, à la Roméo et Juliette, issus de deux familles ennemies, celle du communiste a une terre sans pain, celle du bigot est un riche propriétaire. Quinze ans avant Berlin, un mur sépare les deux propriétés. L'autre personnage récurrent est l'ancienne institutrice, Madame Cristina (Sylvie, l'une des actrices de La Fin du jour), jamais remise de l'abdication du roi Victor Emmanuel II (on remarque d'ailleurs une plaque avec son nom dans la salle de la mairie), qui connaît tout les habitants et qui traite Peppone d'âne. Elle acceptera, non sans maugréer, de donner des cours à tous ces communistes qui n'avaient pas écouté ses cours quand elle était leur institutrice.


Toute la folie du film est résumée par les dialogues entre Don Camillo et Jésus (voix de Jean Debucourt), de son crucifix, il ne cesse de sermonner le curé quand il balance des tables sur les communistes. Faut dire qu'ils s'étaient moqué de lui quand il traversait le village en vélo de course (en effet, il y avait de quoi). Les mimiques de Fernandel, son visage confit, ses petites cachotteries (comme ce gourdin pour frapper Peppone) sont autant d'éléments comiques faciles. A cela, il faut ajouter l’évêque (Charles Vissières), tout en courbettes qui vient inaugurer le jardin paroissial financé par le curé, mais juste après avoir visité la Maison du peuple construite par Peppone. Et le plus beau dans tout cela, c'est que je trouve le film encore aujourd'hui drôle et émouvant.



























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