lundi 27 novembre 2017

Chaussette surprise (Jean-François Davy, 1978)

« C'est l'histoire de trois couples qui ont un accident de voiture, les hommes passent un mois à l'hôpital et les femmes, pendant ce temps, s'émancipent ». Chaussette surprise est une magnifique bizarrerie d'une loufoquerie constante et libertaire que j'ai vue cet été. C'est l'un de mes amis, le plus grand fan que je connaisse d'Anna Karina, qui m'a habilement suggéré de regarder ce film. C'est justement Anna Karina, lunettes sur le nez, manteau rouge (sa couleur dans le film) qui ouvre le récit. Son mari, Bernard Le Coq est un sacré inventeur qui teste sa chaussette d'évacuation. Bien commode en cas d'incendie ou d'accident pour sauver les gens.

Dans la rue, un badaud observe avec admiration cette expérience réussie. C'est Rufus, brocanteur lunaire qui collectionne les boîtes de camembert. Il est marié avec Bernadette Lafont, clope au bec, elle est multi-tâche, elle repasse, prépare le dîner et répond au téléphone, magnifique de vulgarité dans son pantalon motif léopard. Mais attention, elle a beau être un peu frivole, c'est une tête, d'ailleurs, elle participera à un jeu télé animé par Lucien Jeunesse. La spécialité de Bernadette, c'est les poissons, elle les connaît tous sur le bout des doigts. Rufus et Bernadette ont deux enfants, la grande fille est jouée par Agnès Soral.

Le dernier couple du film est composé de Christine Pascal et Bernard Haller. Elle est dans le cinéma. Ce qui implique trois choses. Pour gagner sa vie, elle est caissière dans un cinéma du Quartier Latin ou fait des postsynchronisation de films porno, un domaine que Jean-François Davy a bien connu. Son ambition est d'être comédienne, elle va passer une audition d'un film réalisé par Henri Guybet. Bernard est un artiste qui passe son temps à écrire le scénario d'un film (c'est lui qui à la fin de Chaussette surprise trouve l'idée du scénario que l'on vient de voir). En attendant, il fait une publicité pour un chapeau à lapin pour la télévision.

Ces trois couples se croisent par hasard au coin d'une rue dans un accident de voitures. C'est une construction en gigogne, à la marabout de ficelle, qui entame le film. Aucun de ses trois hommes et trois femmes ne se connaissaient avant que les deux Bernard et Rufus se retrouvent à l'hôpital avec un quatrième acolyte, Michel Galabru, le personnage le plus solitaire et le plus mélancolique. Il se trimbale avec une grosse télé sur les bras, télé qui sera gravement amochée dans l'accident de voiture, et qui mérite encore plus de soin que lui-même. Ils seront dans la même chambre d'hôpital, surveillés par une chef de service acariâtre (Micha Bayard) et soignés par un médecin strict (Claude Piéplu).

Le film ne s'embarrasse guère de fil narratif grammaticalement correct (pour reprendre une expression abusive) pas plus que de cadrer vraiment les prénoms des personnages. On reconnaît tous les acteurs, largement suffisant, pas besoin de sortir les prénoms à chaque dialogue. On passe de l'hôpital avec les quatre hommes aux autres lieux, l'appartement de Christine Pascal où le fils de Barnard Haller fait que ce qu'il ne dit pas, à la maison en banlieue de Bernadette où son propriétaire en viager (Marcel Dalio) attend ses traites (Bernadette connaît au centime près ce qu'elle doit à ses créanciers) ou au bureau d'Anna Karina qui cherche à vendre le brevet de son Bernard, même s'il préfère rester pauvre mais inventif.

On parle beaucoup d'argent dans le film, tout le monde est fauché, on ne vit pas dans l'opulence, mais chacun a son petit objet fétiche dont il ne se séparerait pour rien au monde. Les camemberts (qu'un curé cherche à piquer), un train électrique, une télé, seul Bernard Haller n'est pas matérialiste, il ne fait qu'imaginer des scènes parallèles avec les gens qui l'entourent, écrivant au pied levé son scénario. La chambre d'hôpital se transforme en cour de récré, les deux Bernard sont en verve, jamais pris de court pour une facétie, pour draguer les infirmières et les faire participer à leurs jeux de gamins souriants, au grand dam du médecin obligé de siffler la fin de la récré.


La subtile patte de Jean-Claude Carrière se fait sentir au scénario. Il joue d'ailleurs un petit rôle dans le film, il tente de séduire Anna Karina. C'est un burlesque réaliste et fantasque qu'il concocte dans Chaussette surprise. D'autres acteurs et actrices viennent faire un petit rôle. Laurence Badie est la secrétaire d'Anna Karina, Romain Bouteille un dragueur, Michel Blanc un interne, ces fameux personnages sacrifiés comme le disent les deux brancardiers, cette distribution est comme une réconciliation entre la Nouvelle Vague et la comédie de café théâtre mais où la télévision viendrait rappeler que c'est elle désormais qui fait la loi.

























Aucun commentaire: