samedi 25 novembre 2017

Braguino (Clément Cogitore, 2017)

Braguino, c'est 50 minutes de vie au fin fonds de la Sibérie orientale. A part la taïga, il n'y a tellement rien là-bas que le générique donne comme toute localisation la latitude et la longitude du lieu. La famille Braguine que Clément Cogitore est parti observer (je regrette de ne pas avoir vu, quand il est sorti, le premier long-métrage du cinéaste) est dominée par le père, Sacha. Quel âge peut-il bien avoir ? Difficile de le dire, sa barbe blonde commence à prendre quelques poils blancs, mais il a des très jeunes enfants.

Son russe, il en avale les mots, parle vite, avec un fort accent. C'est ce qu'il dit qui passionne Clément Cogitore. Avec son épouse édentée, il ne cesse de maugréer contre leurs voisins, les Kirile. Beaucoup est dit sur eux, on apprend qu'ils se sont installés après eux dans ce coin perdu, cherchant également une solitude loin de la civilisation, qu'ils ont commencé à vite se chamailler, qu'ils se sont défini une limite infranchissable (une simple clôture) et qu'ils ne se parlent plus depuis des années.

Les mots sont durs et le ton violent, papa et maman Braguine traitent les Kirile de corrompus, de traîtres, d'ordures. Ils vivent en pleine paranoïa, corroborée par la venue récurrente de visiteurs en hélicoptère, des hommes fort peu courtois, venus chasser dans leurs terres vierges. C'est certain pour le patriarche, les Kirile se font payer pour vendre la forêt à des étrangers. Dans cette même forêt, où le père va chasser l'ours, scène éprouvante de naturel où il tue un vieil ours avant de lui ouvrir le bide et de couper ses pattes.

Ces pattes d'ours, on les retrouvera aux pieds d'une des filles Braguine. Les enfants rappellent irrémédiablement ceux du Village des damnés, la blondeur vive de leur chevelure, leur silence, les jeux sur la petite île sur laquelle ils jouent, la chasse aux moustiques sur leur visage. Ils s'y rendent en barque et parfois les enfants Kirile, encore plus nombreux, tout aussi blonds, viennent de l'autre rive. Jamais ils ne se parleront, ils passent leur temps à s'observer en silence, se narguer, perpétuant la haine de leurs parents.

Avec ces enfants blonds, le film accède à une certain fantastique, on plonge dans un univers malsain et inquiétant. Clément Cogitore manie un art du montage étonnant où, pour accentuer cette inquiétude, il multiplie les faux raccords, la narration doit déconcerter. Le film, par bien des aspects, m'a rappelé les courts-métrages de Jean-Teddy Filippe. Il avait réalisé à la fin des années 1980 pour feue La Sept une série titrée Documents interdits, faux documentaires à l'étrangeté inquiétante. Je la retrouve dans Braguino.

















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