jeudi 16 novembre 2017

Borg McEnroe (Janus Metz, 2017)

Cette année, les films suédois se suivent mais ne se ressemblent pas. Mai, Palme d'or pour The Square, juin gros succès pour Le Caire confidentiel polar poisseux sur la corruption, novembre Borg McEnroe, meilleur de ces trois films, gros bide commercial. Peut-être que Shia LaBeouf en a effrayé plus d'un, d'autant plus dommage que le titre et l'affiche sont légèrement trompeurs puisque l'acteur américain surtout connu pour ses frasques artistiques (c'est lui qui aurait dû être au centre de The Square) n'a qu'un rôle secondaire. Et surtout, il est vraiment très bon dans ce personnage de McEnroe.

Le biopic commence de façon bien classique et un peu pataude. Björn Borg (Sverrir Gudnason) s'apprête à jouer le tournoi de Wimbledon de 1980. Il réside à Monaco avec sa fiancée et part s'entraîner. Dans la rue, tout le monde le reconnaît, sans enthousiasme tel « l'iceborg » qu'il est devenu – surnom que lui donnait la presse britannique, il signe quelques autographes, dit quelques mots, il joue le jeu de la célébrité sans sembler y prendre le moindre plaisir. Quand son entraînement est fini, il se rend compte qu'il a oublié dans son appartement les clés de sa voiture, ses papiers et n'a pas le moindre sou en poche.

Il tente vainement de passer incognito pour rentrer chez lui et se réfugie dans un café sans clients où, miracle, le serveur ne le connaît pas. Sans argent, il ne peut pas payer. Le cafetier est un peu étonné de trouver un client sans argent à Monaco. La conversation s'engage, Björn Borg au lieu de dire qu'il est le tennisman N°1 mondial et profiter de sa notoriété prétend s'appeler Rune et propose de payer le café en faisant quelques tâches, ici ranger des colis dans l'arrière-boutique. L'incongruité de la situation est comique mais elle montre toute l'ambition de la mise en scène de Janus Metz.

Le court de tennis est une scène de théâtre. Des milliers de spectateurs sont à Wimbledon, des millions de téléspectateurs assistent à la retransmission des matches et espère cette finale pronostiquée par tous les journalistes. Au centre de la scène, Borg et McEnroe doivent jouer les rôles qu'on leur a assigné. Le premier est d'un grand calme, jamais un mot plus haut que l'autre, le second est un petit excité, insultant l'arbitre à grand renfort de fuck et autres amabilités, le premier est droitier, le second gaucher, le premier européen et le second est américain.

Cette mise en scène passe par de nombreux flashbacks sur leur adolescence, sur leur vie de débutant. En Suède (le film est souvent en suédois ce qui permet d'entendre comment on prononce son nom de famille), Björn Borg vient d'un milieu très modeste. Un sélectionneur de l'équipe nationale dira même à sa mère que le tennis n'est pas un sport de leur classe sociale. C'était avant la démocratisation du sport, au début des années 1970. Le gamin est repéré par Lennart (Stellan Skarsgård), le premier tennisman suédois à avoir été qualifié à Wimbledon, en 1948.

Björn Borg était un adolescent turbulent, virulent, comme l'est McEnroe en 1980. L'idée de son entraîneur est donc de lui faire abdiquer toute émotion. Les flashbacks sur l'enfance de McEnroe le montre comme un gamin, au contraire, d'un grand calme, issu d'un milieu privilégié, dominé par des parents protecteurs. Le destin de McEnroe s'imbrique dans celui de Borg, dans la chambre d'ado de John, un poster de Björn est accroché au mur. L'unique ambition de l'Américain est d'affronter le Suédois et ce match est magnifiquement rejoué, en autant d'actes que de sets, dans le finale du film.


Il arrive parfois aux deux hommes de vouloir sortir de leur personnage. McEnroe dans une conférence de presse ne veut répondre qu'aux questions sur le tennis quand les journalistes ne parlent que de la rivalité. Borg est perclus de tics et fonde sa confiance sur la superstition, élaborant des rituels complexes et immuables s'opposant ainsi à la science infuse de John enfant, fortiche en calcul mental à la grande fierté de son père. Borg et sa fiancée refusent les propositions des publicitaires qui veulent contrôler leur mode de vie. Ces deux doubles personnalités donnent au film ce ton tragi-comique.

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