samedi 28 octobre 2017

Leçon de classes (Jan Hrebjek, 2016) + Pour le réconfort (Vincent Macaigne, 2016)

Lutte de classes. Je ne sais pas si la ressortie de Octobre pour le centenaire de la révolution russe me pousse à associer Leçon de classes de Jan Hrebjek avec Pour le réconfort de Vincent Macaigne, mais je trouve que ces deux films évoquent la lutte de classes. Leçon de classes se déroule en Tchécoslovaquie, précisément à Bratislava en Slovaquie (premier film slovaque que je vois), au début des années 1980, juste après l'élection de Ronald Reagan et avant l'arrivée de Mikhaïl Gorbatchev à la tête de l'URSS, une période de glaciation de la guerre froide où les pays du bloc de l'est étaient dirigés par des vieillards.

Le cadre est un collège où une nouvelle enseignante, membre du Parti communiste, fait sa rentrée. Dès sa première apparition et son premier cours, elle en impose et petit à petit, le pouvoir qu'elle va exercer sur les élèves, franchement terrorisés, comme sur leurs parents, conscients du danger de ne pas désobéir aux requêtes de la professeure crée une tension qui va crescendo. Elle s'arroge le droit de demander des faveurs à tous grâce une rhétorique bien huilée. Elle fait en sorte que les services qu'elle demande (aider à faire des courses, des travaux, se faire coiffer gratuitement et des faveurs sexuelles) paraissent venir de ceux à qui elle s'adresse.

C'est toute la mécanique du totalitarisme à petite échelle que le cinéaste décortique, cette mécanique passe par la corruption, le mensonge, l'intimidation que le petit pouvoir de cette enseignante possède par le seul fait de sa carte au Parti. Le film est construit en deux temps, une réunion des parents d'élèves prend l'allure de 12 hommes en colère, un parent d'élève doit convaincre les autres parents de signer une pétition. En parallèle, la machine à broyer fait son œuvre. Certes, on pourrait regretter que ce film arrive 25 ans trop tard, mais il fonctionne pour toutes les démocraties fallacieuses encore en place dans les anciens pays socialistes.

Chez Vincent Macaigne, la lutte des classes à lieu dans la campagne vers Orléans. Un château au milieu des champs et des forêts voit revenir ses deux propriétaires. Pauline et Pascal, frère et sœur, issus d'une famille vaguement aristo, ont dépensé tout l'argent de l'héritage en allant vivre elle à New-York, lui au Mexique. L'hiver venu, les voilà fort dépourvus. Bref, ils doivent abandonner leur vie d'oisiveté pour rentrer dare-dare à Orléans et payer les traites, comme ils se le disent dans la conversation skype qui ouvre Pour le réconfort. L'arrivée par des chemins de traverse sur leur domaine, avec la douce voix de Vincent Macaigne (qui ne joue pas dans son film) annonce la lutte de classes du film.

Pauline et Pascal retrouvent leurs anciens amis. Joséphine a utilisé les champs alentours pour planter des arbres, son compagnon Laurent, grand béta qui dit tout ce qu'il pense sans restriction, travaille dans l'EHPAD que dirige Emmanuel, son slogan : « la vieillesse, c'est l'avenir ». (On remarquera que les personnages, comme dans le précédent film de Vincent Macaigne conservent leur vrai prénom.) Tous se connaissent depuis l'enfance et les premières retrouvailles donnent l'occasion d'un bon gueuleton dans le château. Puis, l'heure des règlements de compte (puisque Pauline et Pascal n'ont plus de sou) arrive et c'est Emmanuel qui se montre le plus virulent.


Le film, tourné en 1:37, fonctionne par tableaux comme autant de dialogues entre les différents protagonistes. La haine, d'abord larvée puis exposée au grand jour, d'Emmanuel à l'encontre de ses anciens amis (« regarde-moi ces connards » dit-il à Laurent), son mépris pour les arbres de Joséphine, deviennent plus cruels au fil du récit. L'acmé de cette aversion a lieu avec Pascal, dans la voiture d'Emmanuel, aussitôt tempérée par un étrange pot au cidre dans un champ. Ça n'est rien de dire que Vincent Macaigne s'est calmé, passant du chaud au froid, quand dans Ce qu'il restera de nous, en n'appuyant que sur le chaud, il rendait son court-métrage insupportable.

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