jeudi 26 octobre 2017

Brooklyn yiddish (Joshua Z. Weinstein, 2017)

Avec les sorties de ce mercredi, je suis content à double titre, Brooklyn yiddish est court et il se déroule à New York. L'affiche française est cependant mensongère, on voit le personnage principal Menashe (Menashe Lustig) et son fils Ruben (Ruben Niborski) se promener dans l'une des rues les plus connues de Brooklyn et au fond le Pont de Manhattan, l'image est célèbre pour illustrer Il était une fois en Amérique de Sergio Leone, mais jamais ils ne se rendent dans ce lieu très touristique de Brooklyn, le quartier DUMBO (Down Under Manhattan Bridge Overpass).

Le film se passe dans un quartier un peu plus au sud, le premier plan observe une rue bondée, que des hommes, tous reconnaissables à leur tenue spécifiques, chapeau et long manteau noirs, papillotes aux cheveux, tsitsits accrochés au pantalon. Puis, Menashe se détache du lot et la caméra le suit. Ce Juif ultra orthodoxe, on le sait, joue son propre rôle, un veuf forcé de laisser son fils d'une douzaine d'années à son beau-frère Eizik (Yoel Weisshaus). La Torah affirme qu'un enfant doit être élevé par un homme et une femme.

Brooklyn yiddish est entièrement parlé en yiddish, je crois que je n'avais jamais vu un film dans cette langue (je me rappelle la première scène de A serious man des frères Coen). On est totalement plongé non seulement dans cette langue mais dans cet univers dont les règles sont presque énigmatiques (l'ablution matinale, le port du talit, la fête du feu), une approche documentée mais sans en faire trop, sans appuyer sur les détails. Le cinéaste Joshua Z. Weinstein vient du documentaire et de la même école que les frères Safdie.

Menashe vit dans un petit appartement, pas franchement le luxe, une seule pièce, une petite table, deux petits lits, un pour lui, l'autre pour le gamin. Quand le père parvient à voir son fils, c'est rapidement, au coin d'un parc, sur le chemin de l'école, avant d'aller au boulot. Menashe bosse dans un commerce kascher, homme à tout faire, il est caissier, il remplit les rayons, il décharge les paquets, il passe la serpillière. Son patron le regarde avec dédain et sans pitié, baissant les yeux comme s'il lui accordait une faveur en l'employant.

On ne saura jamais vraiment ce que Ruben veut, s'il préfère vivre avec son père dans ce studio ou avec son oncle Eizik et sa tante dans leur bel appartement. Ruben hésite notamment par rapport aux repas, sa tante prépare des kugels infects (un plat de pommes de terre). Mais quand son père picole avec ses anciens amis de l'étude biblique (yechiva), Ruben téléphone à l'oncle et Menashe se fait engueuler comme un adolescent, suant de grosses gouttes, soulevant ses lunettes cerclées d'or, balbutiant. Comme son patron, le beau-frère est impitoyable.

Pour créer un lien avec son fils, Menashe achète un poussin, ils devront l'élever tous les deux (le père chante une chanson cocasse sur le poussin qui deviendra un poulet destiné à finir à la casserole). Pour pouvoir élever Ruben, il faudrait seulement qu'il trouve une femme. Il a bien quelques rendez-vous, filmés de manière drôlatique, où les femmes comprenant qui est le bonhomme, l'éconduisent sans ménagement. Et quand un ami de Menashe lui suggère d'épouser sa belle sœur divorcée, il préfère se jeter sur la vodka.


Ce qui frappe dans Brooklyn yiddish, c'est la double tonalité. D'un côté, on est navré du sort que fait subir sa communauté à Menashe, on parle cru dans le film, on se lance des vérités sans pincette, d'un autre côté, il accumule les bévues et les gaffes (retard au bpoulot et à l'école, livraison de poisson qui tombe du camion, son kugel qui manque d'enflammer l'appartement), cette maladresse et ce corps encombrant tente de lutter. Cette tendresse pour son personnage passe par un certain humour et le sourire de Ruben emporte l'adhésion.

Aucun commentaire: