samedi 2 septembre 2017

Gabriel et la montagne (Fellipe Barbosa, 2017)

Exaspérant. Je crois qu’il n'y a pas de mot plus juste pour qualifier Gabriel. Exaspérant mais tellement sympathique avec sa bonne bouille et ses yeux rieurs. Gabriel (João Pedro Zappa) est un baroudeur, un bourlingueur, un petit gars du Brésil parti en Afrique. Quatre chapitres quatre pays, Kenya, Tanzanie, Zambie et Malawi. Un périple de 70 jours avant de mourir sur une montagne, au creux d’un rocher. Gabriel était un ami du cinéaste.

Pendant un peu plus de deux heures, Gabriel est de chaque plan, de chaque scène. Du plan séquence d'ouverture en plongée, comme vu d'en haut, de l'au-delà où deux paysans malawiens découvrent son cadavre aux photos finales prises par le vrai Gabriel, il va falloir supporter Gabriel. Il s'est pris une année sabbatique avant d'aller faire ses études à Los Angeles. Mais attention, il ne cessera jamais de le clamer : il n'est pas un touriste.

Dans une case en pays Massai, c'est le matin et Gabriel surgit. Tout souriant, il se lève, il est s'est fait héberger chez un « ami » (tous les Africains sont ceux qui ont rencontré le vrai Gabriel Buchman). Pour Gabriel, tout le monde est un ami, un grand ami. Pour les habitants du Kenya, il est un « mzungu », un touriste blanc. Il sera le seul blanc de tout le film, il s’échine à ne surtout pas visiter ce que les touristes viennent d'habitude voir.

Il se fait confectionner des sandales en pneu. Il se munit d'un bâton de marche, il le tournera comme un bâton de majorette. Il se verra offrir un sabre après avoir tranché la tête d'un lapin (hilarante scène où les Massai se moquent de lui, le lapin chez eux, c'est de la bouffe pour les chiens). Et il portera une tunique locale. Voilà pour le look de Gabriel. Il faut ajouter qu'il porte une sorte de bouc au menton, un peu ridicule.

Gabriel n'en fera toujours qu'à sa tête. Il n'écoute jamais les conseils de ses « amis », ces guides qui connaissent chaque recoin et danger de leur région. Il fait des caprices, ne veut plus aller jusqu'en haut du Kilimandjaro après avoir trépigné comme un gamin gâté pour faire l'ascension le plus vite possible. Il gambade sur le mont Munlaje avec ses sandales inadaptées. Il emmerde un guide pour refaire la photo quand il plonge sous une cascade.

Il voyage comme les Africains dit-il. Mais quand il retrouve sa copine en Tanzanie, Cristina (Caroline Abras), elle comprend bien que ce rythme infernal ne tourne pas rond. Elle veut faire un safari photo, Gabriel rechigne, accepte mais va taquiner les zèbres sur leur prairie. Dans une longue discussion étonnante, le passé de Gabriel est évoqué, sa bourgeoisie, ses amis « réacs », ses études, Cristina lui fait une longue liste de reproches.

Tout tourne autour de lui, alors qu'ils se prélassent sur la plage, il a une soudaine enfin de baiser, il la force. Quand elle rentre au Brésil, qu'elle lui a appris qu'elle refuse de le suivre en Californie, il semble décider que rien ne pourra jamais les rapprocher. Il se rase comme s'il voulait se racheter une virginité mais son corps commence à la lâcher et le signe le plus visible est sa main qui part dans tous les sens.

C'est un film très beau, ne serait-ce que par le format scope qui permet d'admirer tous ces paysages et grâce à la polyphonie des langues. C'est un film étonnant, plus proche de celle des 1001 nuits de Miguel Gomes (la sensualité, la douceur) que des films montagnards de Werner Herzog (bien plus rugueux) avec une touche du style de Jean Rouch (la reconstitution du réel), c'est une prise directe avec l'aventure et la folie.

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