lundi 19 mars 2018

Un jour sans fin (Harold Ramis, 1993)

Un jour sans fin n'a pas été immédiatement considéré comme un grand film, petit succès critique et public, ce qu'on pourrait qualifier de relative indifférence, mais depuis 25 ans, le film n'a pas seulement excellemment vieilli, il est devenu une référence et mieux que cela, la chanson de Sonny & Cher « I've got You Babe » est indissociable du film, qu'on l'ait vu ou pas d'ailleurs. Le refrain du morceau emporte irrémédiablement vers une faille temporelle.

Cette faille a lieu un 2 février dans la bourgade de Punxsutawney, Pennsylvanie. Phil Connors (Bill Murray) doit s'y rendre. Présentateur météo sur une chaîne du câble de Pittsburgh, il fait un reportage avec son caméraman Larry (Chris Elliott) et sa productrice Rita (Andie MacDowell). On le comprend tout de suite, Phil n'a aucune envie d'aller interroger la marmotte Phil (oui, même prénom) pour savoir si l'hiver va continuer encore six semaines.

Pendant 10 minutes, la matrice de la journée type est exposée. Le radio réveil s'allume à 6 heures du matin, la chanson « I've got you Babe » s'entonne, deux DJ font un peu d'humour. Phil observe la rue par la fenêtre, des habitants se pressent pour aller voir la marmotte. Il sort de sa chambre et croise en haut de l'escalier un gros bonhomme (Ken Hudson Campbell), il l'esquive le plus rapidement possible pour descendre prendre le petit déjeuner.

Il est accueilli avec de grands sourires par Madame Lancaster (Angela Paton). Phil aimerait un expresso plutôt que l'affreux café américain. Il part rejoindre son équipe. Après avoir refusé de donner de l'argent à un vieux SDF, il se fait alpaguer par un fâcheux, Ned Ryerson (Stephen Tobolowsky), soi-disant l'un de ses anciens camarades de lycée, assureur de son état qui colle Phil. Ce dernier poursuit sa route en enfonçant son pied droit dans une flaque d'eau gelée.

L'idée magistrale d'Un jour sans fin est de plonger Phil Connors dans la répétition de cette journée du 2 février. Aucune raison n'est expliquée pour ce sort qui s'acharne sur lui. D'ailleurs, combien de temps est-il prisonnier de ce 2 février. Longtemps, très longtemps, des années, des décennies, où il apprend le piano, le français, la sculpture sur glace et découvre tous les habitants de Punxsutawney puisqu'il les croise irrémédiablement dans cette journée précise.

Cette journée subit des variations dès le deuxième jour où Phil Connors croit d'abord à un canular, il pense dès qu'il entend à nouveau « I've got you Babe » que la radio s'est trompé de bande. Mais il croise à nouveau le gros bonhomme, la logeuse, le clochard et Ned Ryerson. Les décors et l'environnement est similaire, mais les cadrages se modifient pour amplifier telle situation, pour s'approcher de tel personnage.

Il faut un moment à Phil Connors pour comprendre ce qui lui arrive. Rita et Larry l'accueillent devant Phil la marmotte chaque fois de la même manière (« Phil, par ici », l'appelle-t-elle). C'est à Rita qui décide de se confier, dans la confusion de ce sort qu'il ne comprend pas. A quoi cela sert-il de lui raconter cela, elle aura tout oublié le lendemain qui n'arrive pas. Elle ne le croit pas de toute façon, elle le trouve cynique, ce qu'il est, sans doute son plus grand tort.

Les premières variations sont d'un mode hautement comique, avec les personnages croisés sur le chemin : embrasser sur la bouche la timide Madame Lancaster, donner un gros coup de poing à Ned ou lui faire croire qu'il est gay. Puis Phil veut en finir, enlève la marmotte et tente plusieurs fois de se suicider, dans un accident de voiture, en plongeant un grille-pain dans son bain. La déprime suit immédiatement la partie comique, mais c'est également drôle.

Il s'agit ensuite de découvrir les autres habitants qu'il a pris le temps d'observer, d'abord pour en profiter lui-même, il utilise la méthode de Ned pour draguer Nancy (Marita Geraghty) – ça ne marche guère – puis pour rendre quelques services à ceux qui en ont besoin. Là, l'observation des caractères provoque comme une sorte de remake infini où toutes les possibilités sont à épuiser, avec une inventivité scénaristique sans borne.

Phil n'a pas réussi à renverser le sort en étant cynique ou méchant, il va devoir devenir gentil. Enfin, il devient sympathique avec Larry et Rita. Encore une fois, son observation pour la séduire se solde régulièrement par une claque, un impair de Phil, un refus de Rita. Il faut recommencer encore et encore. Il se fabrique une identité pour arriver à ses fins mais le naturel revient au galop, Bill Murray est le meilleur pour passer du salaud à l'adorable.


Comme écrit plus haut, Phil Connors passe du temps à se transformer, apprendre et s'habituer à la vie du 2 février. Une longue journée qu'il traverse non plus dans le temps mais dans l'espace, ici au diner, là dans la salle de concert, plus loin dans le restaurant pour enfin finir dans sa chambre, épuisé par ces années de surplace. Le 3 février, la radio se met en marche et Phil entend pour la dernière fois « I've got you Babe », mais il a remis le temps en marche.





















Aucun commentaire: