vendredi 2 mars 2018

Sitcom (François Ozon, 1998)


Regarder Sitcom 20 ans après sa sortie, c'est retrouver les jeunes pousses du cinéma français d'alors, aujourd'hui un peu oubliées, Stéphane Rideau tout juste sorti des Roseaux sauvages, Marina de Van pas encore réalisatrice et son petit frère Adrien, Lucia Sanchez qui avait enchanté Une robe d'été l'un des meilleurs courts métrages de François Ozon. Sitcom était le premier long-métrage de François Ozon, il n'a jamais arrêté depuis, avec de belles réussites et d'immenses déceptions.


Ce petit pavillon de banlieue chic qui ouvre Sitcom, c'est celui d'un film de Claude Chabrol, une famille bourgeoise la mère Hélène (Evelyne Dandry) prénom ô combien chabrolien, le père Jean (François Mathouret) et leur deux enfants, Sophie et Nicolas joués par la sœur et le frère de Van. Ce jour-là, très ensoleillé, la mère engage une femme de ménage Maria (Lucia Sanchez) et le père ramène un rat de laboratoire comme un cadeau saugrenu.

Ce rat, François Ozon ne le cache pas longtemps, c'est le Terence Stamp de Théorème débarquant dans cette famille, quand il arrive, les dérèglements commencent. Ça passe avant tout pour la sexualité comme révélation de leur personnalité, finalement totalement à l'opposé de Pier Paolo Pasolini qui filmait la dépression et la mort à l’œuvre, dans Sitcom, ce rat libère les corps et les pulsions réprimées par cette gentille vie bourgeoise.

Premier cas, Sophie et son petit-ami David (Stéphane Rideau), bien propre sur lui, aimé de la maman. Une simple morsure de rat et elle tente de se donner la mort. Paraplégique, elle traite David comme un chien dans des jeux BDSM. Froide comme la mort, elle adopte une coiffure stricte avec deux chignons sur les côtés, entre Princesse Leia ou une maîtresse d'école d'un porno soft. Le pauvre David, en slip, dans un harnais de cuir subit ses colères.

Nicolas a la révélation de son homosexualité, il l'annonce à un repas où la mère a invité Maria et son époux Abdou (Jule-Emmanuel Eyoum Deido). Passée la surprise et le mécontentement de la maman, Nicolas part dans sa chambre vite rejoint par Abdou. La chambre servira de repère à pas mal de garçons, jeunes hommes et messieurs, pourquoi faire se demande-t-on, pendant un bon moment où le secret derrière la porte tient lieu d'un amusant suspense.

François Ozon s'amuse avec la psychologie, péché mignon du cinéma français et avec le déterminisme social, autre écueil dans cette période où les fictions de gauche (arrivée de Lionel Jospin au gouvernement oblige) refont surface. Le psychiatre est joué par Jean Douchet, ce qui pour le cinéaste débutant permet de s'autoriser à ce qu'on attache son cinéma à toute une famille cinématographique qu'il a décidé de choisir.

Une touche de Pasolini, un soupçon de Chabrol, un tantinet du plan fétiche d'Alfred Hitchcock (ces plongées radicales comme mode d'observation) et une variation autour de Jacques Demy avec un amour incestueux entre Nicolas et sa maman le tout saupoudré de séquences oniriques forcément inspirées de Luis Buñuel et des aphorismes du paternel qui ne s'exprime que par proverbe, là aussi ça fait beaucoup penser au Charme discret de la bourgeoisie.


On voit les références, énormes mais volontaires, plaisantes et en accord avec l'aspect sitcom, situation de comédie et théâtre, le film commence par un rideau qui s'ouvre. Ces références sont totalement intégrées, elles servent à encaisser les profusions des mouvements du récit, les soubresauts de cette histoire où les délires et désirs sexuels sont pourtant filmés avec la plus grande douceur, 20 ans plus tard, Sitcom est encore agréable à regarder.

























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