samedi 13 janvier 2018

Cœurs purs (Roberto de Paolis, 2017)

Deux corps que tout oppose. La frêle Agnese (Selene Caramazza), bientôt 18 ans, cheveux mi-longs, en tenue légère parce que c'est l'été, un pendentif en crucifix autour du cou. L'athlétique Stefano (Simone Liberati), la vingtaine, boucle d'oreille, cheveux très courts, débardeur sur un torse finement musclé, un tatouage sur l'épaule. Ce dernier poursuit la première, dans une alternance de plans rapprochés où la caméra de Roberto de Paolis scrute les visages haletants, épuisés par cette course-poursuite.

Un peu paresseusement, je me suis dis que le mec poursuivait la fille pour l'agresser. Stefano est vigile dans un magasin, Agnese a volé un portable. Elle implore le jeune homme de la laisser partir, que c'est son premier vol, de ne pas appeler la police. Il la laisse partir, ce qui lui vaudra d'être viré. Il trouve un autre boulot, totalement dégradant, surveiller un parking, seul toute la journée, pas même une guérite pour s'abriter quand il pleut, il finit alors torse nu trempé comme une soupe.

La Rome de Cœurs purs est à l'extrême opposé de celle de Paolo Sorrentino, le parking de Stefano est dans une zone commerciale de béton, de briques et de bitume. Avec un grillage pour séparer le parking des Roms venus s'installer là et qui ne cessent de venir sur le parking pour jouer au ballon, tourner en moto et provoquer Stefano qui s'ennuie mortellement et ne sait pas trop comment réagir. Un jour, Agnese et sa maman (Barbora Bolubova) débarquent dans la place et viennent voir les migrants.

Au cœur du film se trouve la relation entre la jeune fille (qui vient d'avoir 18 ans enfin) et sa mère. Elle lui a confisqué son téléphone (c'est pour ça qu'elle en a volé un) parce qu'un de ses camarades de lycée lui envoyait, dit la mère poule, des SMS salaces. Elle couve son adolescente de fille et dans l'une des scènes les plus troublantes, on les voit dormir dans le même lit, habillées de la même manière, comme en symbiose. Agnese va devoir se séparer de cette mère encombrante d'autant qu'elle veut revoir le beau Stefano.

Les parents de ce dernier lui causent quelques soucis. La mère de Stefano (Antonella Attilli) lui réclame 200 € pour payer leur loyer. Il n'avait pas vu ses parents depuis des mois, il est fâché avec son père. Ils se retrouvent dans un camping-car devant leur immeuble et le père ne cesse de critiquer tout le monde, son fils ingrat en premier lieu et les Roms avec ce discours entendu partout où ils prendraient l'argent des pauvres Italiens pour se payer des voitures de luxe et des smartphones dernier cri.


Agnese et Stefano doivent se libérer du poids de leur parents et aussi de leur entourage. Pour Agnese, c'est la religion avec un curé qui ne cesse de prôner la chasteté à ses jeunes ouailles et pour Stefano sa bande de potes qui vivent du trafic de drogues. Chasteté, religion, misère, xénophobie, Cœurs purs lie tous ces sujets, les imbrique dans cette histoire d'amour contrariée où les corps, un peu empotés, tentent de se rapprocher (belle scène de baignade isolée du reste du monde) puis de se séparer.

Aucun commentaire: