vendredi 1 décembre 2017

Détective (Jean-Luc Godard, 1985)

Détective c'est d’abord un long générique étalé sur 10 minutes, en lettres de couleurs qui s'égrènent par ordre alphabétique, les A apparaissent puis les noms et fonctions dans le film s’affichent. C'est l'un des plus longs génériques d'un film de Jean-Luc Godard, le plus complet avec l'idée de faire un film classique, si cela veut dire quelque chose pour lui. Beaucoup de monde pour la lumière, presque autant pour le son, on peut à peine lire les noms des producteurs, le carton ne reste à l'écran pas même 24 images. Dans Détective, Jean-Luc Godard dirige Johnny Hallyday, toute la promotion du film s'était construite autour de l’arrivée du chanteur dans l’univers godardien réduit ici à un hôtel de luxe, un palace parisien où on se déplace partout, du lobby aux chambres, des cuisines aux chiottes. Johnny Hallyday est dans la catégorie Star, comme Nathalie Baye et Claude Brasseur. Les autres interprètes sont des Acteurs.

Plus que cette rencontre avec Johnny, c’est 20 ans après, le retour dans le cinéma de Godard de Claude Brasseur, c'était Bande à part, il joue le rôle d’un pilote d’avion et l'époux de Nathalie Baye, et aussi le retour de Jean-Pierre Léaud, absent depuis La Chinoise. C'est lui le détective du film, avec comme acolytes Laurent Terzieff et Aurelle Doazan, une étudiante en sociologie. L’un des gags amusant du film et de voir Jean-Pierre Léaud changer de costumes comme de lieu pour surveiller les stars, comprendre ce qui se mijote. Godard s’amuse surtout avec les noms de ces personnages, pas franchement une nouveauté, il l’a toujours affublé ses acteurs de noms symboliques. Ici Johnny Hallyday est Fox-Warner (« mon nom est Fox mais j’ai ajouté le nom de jeune fille de ma mère » dit le chanteur), Terzieff s’appelle Langlois. Godard était persuadé à cette époque que l’on oublierait ces figures tutélaires.

On parle beaucoup de combats de boxe, on trouve même un vrai boxeur, Stéphane Ferrara, en short. Il s'entraîne dans la chambre d'hôtel, Johnny lui envoie des balles de tennis (le sport préféré de Jean-Luc Godard) pour faire une droite. « Pourquoi on dit la droite et le gauche » demande l'adolescente que joue Julie Delpy, démontrant la cacophonie du langage et du genre, Soigne ton gauche disait Jacques Tati Soigne ta droite répondra Godard, autre film avec un pilote d'avion. Cette cacophonie se développe doucement dans Détective, comme si le cinéaste acceptait de se calmer, de faire un film avec trois stars pour ces producteurs dont les noms ne pourront pas rester dans les mémoires puisqu’ils sont là à peine une seconde. Mais il faut se contenter d'un faux scénario, un prétexte où on cause de combat truqué, où Fox-Warner est recherché par le Prince, où il est surveillé par les détectives qui filment au caméscope JVC tandis que le boxeur regarde la télé.

Dans ce cadre 1:37, il faut donc faire rentrer ses acteurs au milieu de ses stars, et parfois, clou du spectacle, les trois stars dans le même plan, scène du bar où Brasseur comprend que sa femme a Fox-Warner pour amant. Saturation et cacophonie suprêmes dans cette chambre d’hôtel, Emmanuelle Seigneur enlève et met un petit haut, répète ad libidum la même phrase, Ferrara qui s’entraîne à la boxe, Johnny Hallyday et Julie Delpy et Eugène Berthier, le manager, la musique classique, chacun parle sur l’autre, personne ne s'écoute, tout le monde s’entend. Cette cacophonie est ce que Godard à tourné de plus réaliste depuis 20 ans, c'est exactement ce qu’aucun cinéaste ne ferait s’il suit la grammaire cinématographique, car mine rien ce pseudo réalisme des dialogues sonne terriblement faux. Bien-sûr dans Détective, on assimile ce procédé de superposition à une forme poétique, alors que le réalisme est là dans la superposition de sons, comme dans toute vie.


Formellement réaliste certes mais déstructuré dans son récit, ou son squelette de récit. Dès le début du film, les détectives causent du Prince. Ce Prince, c’est Alain Cuny qui l’incarne avec majesté. D’ailleurs, je conseille à quiconque, s’il trouve une copie, de regarder L'Annonce faite à Marie, la première et unique réalisation d’Alain Cuny, passé il y a 20 ans de Arte. Sublime. Alain Cuny est le Prince, accompagné de deux enfants, la fillette lit Time Magazine (« des cheveux de sorcière ») dit d’elle le Prince, le gamin est inquiétant, le conseiller Xavier Saint-Macary a peur de son patron. Pour Godard, avoir Alain Cuny est l’occasion de lui faire dire quelques répliques savoureuses, pas seulement celle dans les toilettes sur les hommes à la queue propre ou sale, mais aussi ce dialogue de Guitry « je la fourrerai bien, dit son conseiller, vous voulez dire volontiers, répond le Prince ». Détective, c'est une réponse chic et triviale au Police de Maurice Pialat.







































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