mardi 15 août 2017

Jeanne Moreau (1928 - 2017)

Le Journal d'une femme de chambre est un film particulier dans ma cinéphilie. Il marque une étape cruciale, c'était la première fois que j'allais voir un film au Centre Culturel Cinématographique, le ciné-club de Grenoble et j'y suis resté 10 ans, à la fois comme animateur et comme administrateur. C'était, en 1996, une période où je développais ma connaissance du cinéma de Luis Buñuel et ma cinéphilie en général. Les deux autres versions, celle de Jean Renoir tournée en 1946 aux Etats-Unis et celle de Benoît Jacquot en 2015 sont également magnifiques. Le Journal d'une femme de chambre a été programmé sur Arte en hommage à Jeanne Moreau, lors de son décès le 31 juillet.

J'avoue ne pas bien connaître les films qu'elle a tourné avec Louis Malle (Les Amants, Ascenseur pour l’échafaud, je les ai vus il y a bien trop longtemps). Le lendemain, France 3 a diffusé Viva Maria, western mexicain qui tente la loufoquerie avec Brigitte Bardot comme partenaire. L'humour est souvent poussif, mais c'est étonnant de voir avec quel sérieux Louis Malle cherchait à faire une comédie d'aventure légère. On a aussi pu voir Jules et Jim de François Truffaut. Finalement le seul cinéaste de la Nouvelle Vague avec qui elle ait tourné, j'aime peu le film mais je trouve très beau la séquence où elle feint d'être une mannequin modèle et où le cinéaste fait de son visage resplendissant des images fixes, comme si le temps s'arrêtait sur elle.

Chez Jean-Luc Godard, elle ne fait qu'une courte apparition dans Une femme est une femme. A Jean-Paul Belmondo qui lui demande « Comment ça va ? », elle répond « Moderato », manière de rappeler qu'elle venait de tourner Moderato cantabile d'après Marguerite Duras. L'un des rares films de Marguerite Duras que j'aime est Nathalie Granger, filmé en 1972 avec Lucia Bosé, le film le plus classique de l'écrivaine (comprendre : celui où elle déploie un récit linéaire basé sur une histoire). On peut y voir Gérard Depardieu tout gamin, son premier rôle, qui déboule dans la maison des deux femmes tel un diable sorti de sa boîte. Je me rappelle aussi l'avoir vu dans le film de science-fiction de Wim Wenders en 1991, Jusqu'au bout du monde, étrangeté de 3 heures où elle perdait la vue.

Entre le veuve dépressive de la fin des Valseuses de Bertrand Blier, un second rôle dur où elle arbore un visage totalement fermé et Le Miraculé de Jean-Pierre Mocky, comédie où elle ne cesse jamais de sourire entre Jean Poiret et Michel Serrault dans un rôle d'ancienne pute devenue bigote, Jeanne Moreau prouve la variété de ses compositions mais une chose demeure chaque fois, sa voix de plus en plus rauque, de plus en plus enfumée, mais toujours, toujours ce sourire bienveillant. Tiens, dans cette période Jeanne Moreau a épousé William Friedkin. Elle avait raconté qu'il voulait qu'elle abandonne le cinéma (elle n'a fait aucun film à cette époque), qu'elle devienne une femme au foyer, la bonne blague, le mariage n'a pas duré.

Comme toutes les actrices dans Le Procès, elle ne fait qu'un petit second rôle, mais elle est plus présente dans Falstaff, l'un des plus beaux films d'Orson Welles, au montage fulgurant et virevoltant. A côté du cinéaste grimé en gentil ogre hirsute et barbu dans le rôle éponyme, Jeanne Moreau est toute menue, un être frêle mais au tempérament de feu qui houspille le bon gros Falstaff dans l'auberge. C'était finalement dans ses années 1960 qu'elle a interprété ses plus jolis personnages. La dernière fois que j'ai vu Jeanne Moreau au cinéma, c'était en 2012 dans Gebo et l'ombre de Manoel de Oliveira au côté de Claudia Cardinale et Michael Lonsdale, tous les trois étaient assis pour déclamer leur texte. C'était un peu triste. J'aimerais beaucoup voir les deux films qu'elle a mis en scène, Lumière et L'Adolescente.










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