jeudi 13 juillet 2017

Scanners (David Cronenberg, 1981)

L'ephemerol est un produit qui, une fois injecté par une piqûre dans la paume de main, permet au patient de calmer le mal qui le ronge. Ce mal est la télépathie, ces patients sont des mutants que le Dr. Ruth (Patrick McGoohan) nomme des scanners : ils scannent les pensées des personnes qui se trouvent en face d'eux. Ce bon médecin barbu, digne héritier du Mabuse de Fritz Lang, traque dans un centre commercial Cameron Vale (Stephen Lack) que David Cronenberg prend un certain plaisir à présenter comme un clochard, titubant dans ses fringues sales à la recherche d'un hamburger laissé là. Il est observée par deux dames bien propres sur elles quand l'une d'elles est prise de spasme, de migraine atroce dès que Cameron pose les yeux sur elle.

C'est qu'il ignore qu'il est un scanner et le Dr. Ruth va lui faire la démonstration de ce que cela veut dire. Dans un grenier, Cameron, aux vêtements désormais blancs comme neige, histoire de marquer sa virginité quant au scanning, attaché sur un lit, voit arriver deux douzaines de personnes. On les entend parler mais leurs lèvres ne bougent pas. La cacophonie se fait plus intense à mesure de l'arrivée de ces personnes qui s'assoient sur des chaises comme si elles allaient assister à un spectacle. Pour Cameron c'est une torture. David Cronenberg filme cette séance de scanning en surimpression, le visage angoissé et déformé de Cameron se superpose à cette assemblée. Jusqu'à ce que Ruth mette fin à la séance en injectant de l'ephemerol à son scanner.

Ailleurs, une autre assemblée d'hommes en costumes cravates, un séminaire de la firme ConSec. Le décor est tout à fait à l'opposé, des fauteuils rouges qui annoncent le sang qui va gicler dès que Daryl Revok (Michael Ironside) entre en scène. Il va montrer l'autre pouvoir d'un scanner, celui que Cameron Vale n'a pas pu expérimenter au centre commercial comme au grenier. Michael Ironside a le génie pour donner à son visage, dont on remarque une cicatrice entre les yeux, une forme monstrueuse avant que la tête du modérateur du séminaire n'explose dans une débauche gore, de sang éjaculé de la pauvre victime. La scène est culte mais l'effet spécial rudimentaire, David Cronenberg ne compte que sur le jeu de son acteur, expressionniste et gothique, maniéré et magnifique, chaque scène avec Michael Ironside est un moment d'anthologie.

L'un des enjeux de Scanners est de savoir si le cerveau humain peut être plus fort qu'un ordinateur à la technologie complexe. Ce qui à l'image donne Cameron Vale qui tente, par un simple téléphone public, d'attaquer l'ordinateur de la firme. Soit en champ contre-champ, le visage grimaçant de l'acteur face à des plans en macro des microprocesseurs, une entrée à l'intérieur du cerveau de l'ordinateur quand David Cronenberg se contente de filmer la surface de Cameron, alternant avec le visage angoissé de Kim Obrist (Jennifer O'Neil). Cette dernière est aussi une ennemie de la firme ConSec, une sorte de guide des mutants scanners qu'elle aide à échapper au massacre de Keller (Lawrence Dane), le sbire de la firme. Kim trouve refuge dans des vieux immeubles, on remarquera d'ailleurs que David Cronenberg a tourné à Montréal, on distingue de nombreuses enseignes en français.

Ce combat est suivi de celui entre Cameron Vale et Daryl Revok s'affrontant à grand renfort de mimiques et grimaces, là les visages sont déformés par des veines apparentes d'où coulent quelques flots de sang. L'ambition, démesurée et partiellement réussie, de David Cronenberg dans Scanners est de filmer le cerveau au travail (ça annonce déjà pas mal Le Festin nu et eXistenZ). Surtout, en prenant soin de ne pas élaborer son film autour des effets spéciaux (il utilise au minimum l'ordinateur aux lettres vertes), il parvient à éviter cet aspect qui forcément date un film (je pense aux X-Men de Bryan Singer et à ses mutants proches de Scanners). D'une certaine manière, c'est le combat de l'artisan du Canada face aux grosses machines sophistiquées de Hollywood.






















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