samedi 22 juillet 2017

Les Compagnons de la marguerite (Jean-Pierre Mocky, 1967)

C'est dans Les Compagnons de la marguerite que Claude Rich avait trouvé son premier vrai premier rôle. Il avait jusqu'alors fait de nombreux seconds rôles extrêmement marquants et toujours couronnés d'un attrait ineffable. Il jouait à merveille un jeune dandy snob dans Les Tontons flingueurs de Georges Lautner, le jeune Antoine qui « commençait à me les briser menu » dira Lino Ventura. Un Renoir (Le Caporal épinglé), un Duvivier (Le Diable et les dix commandements), un Truffaut (La Mariée était en noir) Deville (Ce soir ou jamais, en duo avec Anna Karina, et dans le premier rôle).

C'est sa voix étrange qui m'a toujours marquée, totalement à l'opposé de celles de ses camarades de la même époque (Belmondo, Noiret, Rochefort, Marielle). Une voix un peu lente, toujours précise, vaguement aigrelette faite de petites intonations. Dans ce film de Jean-Pierre Mocky, sa voix fleure le parfait fonctionnaire. Matouzec dit Matou travaille aux archives de la Bibliothèque Nationale. Avec son collègue Flamand (Roland Dubillard), il restaure les vieux parchemins, les papiers anciens. Preuves à l'appui, avec une bougie, ses lunettes chaussées, un peu de sable, une plume, il parvient à imiter toutes les écritures de toutes les époques.

Heureux au travail, malheureux en amour. Matou est mariée à Françoise (Delphine Rich). Chaque soir quand il rentre, elle a le nez collée sur l'écran de télévision (ce qui donnera sans doute à Mocky l'idée de La Grande lessive), elle ne discute jamais avec lui « chut ! » fait-elle bruyamment, elle ne partage pas son lit, « j'ai perdu 80 grammes aujourd'hui » dit-elle avant d'éteindre la lumière. Ce malheur, Jean-Pierre Mocky le décrit avec un brin d'ironie amorçant ce qui va suivre, l'idée de génie qu'a Matou. Il va se débarrasser de son épouse Françoise, non pas en la liquidant, mais en modifiant le registre de mariage (ou le « ré-gistre » comme le dit Michael Londasle dans une scène) et les états civils.

Le voilà qui passe une petite annonce qui fait grand bruit puisque le commissaire Rudel (RJ Chauffard) de la police des us et coutumes va charger ses meilleurs éléments (enfin les pires, sinon on ne s'amuserait pas devant le film) sur la piste de Matou. Soit Papin (Michel Serrault) et Leloup (Francis Blanche), qui crie au loup à chaque ennui devant lequel il se trouve. L'annonce proposait, en des termes très posés, que Claude Rich énumère avec délectation et ce petit sourire en coin, l’œil brillant qu'on lui connaissait bien, les tenants et aboutissants du contrat. Les époux et les épouses sont échangés, tout sera « légal » et sans frais. Leloup va donc échanger sa femme Martine (Paola Pitagora) contre Françoise.

C'est un jeu du chat et de la souris, entre le matou et le loup, que va mettre en place Jean-Pierre Mocky. Avec ses habituels personnages bancals et ses situations burlesques. Le personnage de Michel Serrault qui ne rêve que de devenir jardinier quand sa femme Paulette (Micha Bayard) le voit en super flic. Il va la refiler au commissaire de police. On retrouve ses gueules, Jean-Claude Remoleux et Marcel Pérès abattent des pigeons sur les terrasses du commissariat et les font rôtir dans les armoires. Le film perd un peu de sa vigueur dans la dernière partie, il tourne en rond gentiment mais Claude Rich, surtout face à Francis Blanche, est une incongruité épatante dans l'univers du cinéaste.

La même année que Les Compagnons de la marguerite, Claude Rich tourne Je t'aime je t'aime où il se love tout à fait dans les étranges rêveries d'Alain Resnais (le film était en compétition officielle du Festival de Cannes 1968). Il tournera beaucoup de films, encore et toujours des seconds rôles, dans des petites ou grosses productions. Valérie Lemercier lui offrira un rôle de vieil homo dans Le Derrière, il avait pour amant Dieudonné. Alain Chabat lui fera incarner Panoramix dans son Astérix et Obélix Mission Cléopâtre. Bruno Podalydès lui donnera le rôle du juge dans ses deux adaptations de Gaston Leroux. Claude Rich est mort jeudi 20 juillet à 88 ans.






















Aucun commentaire: