lundi 24 juillet 2017

Dunkerque (Christopher Nolan, 2017)

Dans Dunkerque, Christopher Nolan répond à une question essentielle et rarement abordée dans un film de guerre : comment un troufion fait-il pour chier ? Prenons notre jeune héros, un soldat anglais qui déboule, avec quelques autres soldats, dans une rue de la ville du Nord. Des tracts nazis tombent du ciel, il s'en saisit de plusieurs, le lit en vitesse, va s'isoler dans un coin et commence à défaire sa ceinture. Soudain, des snipers commencent à tirer. Les balles atteignent tous les autres, lui s'en sort mais sans avoir accompli son besoin pressant. Des soldats français l'accueillent derrière leur barricade, il poursuit son chemin vers la plage, s'isole derrière une dune et recommence à défaire son pantalon, s'accroupit et se soulage.

Cette ouverture n'a l'air de rien mais elle enclenche la méthode de Christopher Nolan et qu'on ne lui connaissait guère. Il filme le réalisme le plus cru, donc ici pour bien faire comprendre, un soldat anonyme qui veut chier et qui va en chier pendant 100 minutes pour ne pas mourir et rentrer en Angleterre, si possible sain et sauf. Une méthode toute simple, le minimum de dialogues et une caméra portée à l'épaule qui suit notre guide entre les obstacles qui se dresseront constamment devant lui. Derrière ce réalisme cru, Christopher Nolan accomplit aussi un nouvel hommage à l'un de ses cinéastes de prédilection, il fait encore mieux que Stanley Kubrick quand il ouvrait Eyes wide shut avec Nicole Kidman sur ses toilettes.

L'exégète enthousiaste (et Nolan en compte beaucoup) clamera que Dunkerque plonge en immersion son spectateur. Il a raison. D'abord le son qui frappe comme les premières balles qui sont tirées, un son poussé au maximum, étourdissant, complété par une partition de Hans Zimmer toute en boucle répétitive enveloppante, en crescendo, histoire de créer une ambiance sourde et malsaine. Effectivement, le spectateur que je suis est sorti lessivé de ce bruit constant. J'ai eu l'impression que la musique ne s'arrêtait jamais, sauf lors de l'épilogue pour une musique d'une grande mièvrerie. L'image est également à son maximum, tournage en pellicule 70mm, mais peu de salles peuvent projeter dans ce format, Warner Bros a envoyé aux exploitants de salle la méthode à suivre pour une projection optimale : un rognage de l'écran.

Le récit se déploie sur trois temporalités. Les soldats anglais (une semaine), le père de famille (Mark Rylance), son fils et un autre jeune sur un rafiot (un jour) et trois pilotes (une heure). Les temporalités se croisent, les récits reviennent dans le temps à chaque nouveau point de vue (le pilote que joue Tom Hardy – portant encore une fois un masque obstruant son visage – voit une scène que le père de famille observera plus tard de son bateau). Chaque point de vue est filmé différemment, plans d'ensemble caméra à l'épaule pour les soldats et en travelling pour l'officier (Kenneth Branagh), gros plans pour les pilotes alternant vision subjective et objective, soit un simple champ contre-champ. Là est évidemment le problème de ces boucles narratives, elles sont répétitives (un pilote abattu, puis un deuxième, sauvés par le même père de famille sur son bateau).

Le film multiplie donc les boucles mais aussi les personnages, un fonctionnement par trio, trois soldats qui s'unissent pour fuit Dunkerque, trois pilotes anglais qui chassent les bombardiers nazis, trois hommes sur un bateau. Hélas pour moi, j'ai assez vite confondu les personnages (surtout les soldats, tant ils se ressemblent, c'est peut-être voulu, il faut dire que je ne connais presque aucun de ces acteurs britanniques). Bref, presque aucun personnage n'existe en dehors de sa fonction narrative. Christopher Nolan aime aussi les scènes de foule, des milliers de figurants, et on repère immédiatement que ce n'est pas de l'image de synthèse, cela crée là aussi un fort réalisme. Mais dans l'une des scènes, Christopher Nolan cède au sensationnalisme, l'avion d'un pilote n'a plus une goutte de gasoil, ce qui n'empêche pas l'avion de s'enflammer abondamment. Rien n'est plus difficile que filmer un feu.

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