lundi 10 juillet 2017

Cherchez la femme (Sou Abadi, 2017)

Quand Armand (Félix Moati) porte le tchador, il devient Shéhérazade et forcément, avec tout ce que ce prénom des 1001 Nuits évoque, Cherchez la femme plonge dans l'idée du conte, de la fable tout en s'appuyant sur un réalisme fort qui défraye la chronique depuis des années maintenant et qui donne souvent des films qui « dénoncent » ou tout au moins qui tentent de le faire avec une mise en scène souvent d'une balourdise peu convaincante.

Shéhérazade pénètre dans l'appartement de la famille de Leïla (Camélia Jordana) par la bande, et par bande, il faut entendre ce petit rectangle au milieu du noir du tchador qui ne laisse voir que ses yeux, les doux yeux de Félix Moati que la cinéaste Sou Abadi s'était plu à si bien filmer en gros plan dans les scènes où il est encore Armand, dans sa vie d'avant, celle d'un jeune étudiant qui se prépare à partir en stage à New York avec Leïla, sa petite amie.

Dans cet appartement de banlieue, Leïla et son petit frère Sinna (Carl Malapa) vivent tranquillement, bien bourgeoisement pourrait-on dire, entre famille et amis quand débarque abruptement, en début de film, celui par qui le conte est obligé d'être lancé, le deuxième frère, Mahmoud (William Lebghil), aussi déguisé qu'Armand le sera, mais en apprenti radical, calot sur la tête, longue barbe et cerveau rempli des messages des prédicateurs rencontrés au Yemen.

C'est un jeu à trois, un étrange triangle amoureux qui se dessine, tel une comédie du mariage, Armand aime Leïla, Leïla aime Armand, Mahmoud aime Shéhérazade, donc Armand. Avec un sujet aussi casse-gueule, le film prend des précautions pour ne se prendre les pieds et jouer sur les quiproquos, les portes qu claquent et celles que ferme Mahmoud à sa sœur, la retenant dans l'appartement, brûlant son passeport pour qu'elle ne puisse pas partir chez le Grand Satan.

Shéhérazade va raconter des histoires à Mahmoud, il va expliquer l'Islam (il achète tout ce qu'il peut trouver dans une librairie), lui sortir quelques beaux versets. Shéhérazade c'est le visage masqué et Armand le cerveau, l'art ment. Mentir pour ne pas révéler la vérité au frère barbu mais dire une autre vérité quand Mahmoud sort des propos péremptoires, avoir toujours une réponse qui contredit ce qu'il affirme pour le modifier en douceur avec ses yeux charmants.

Hors de l'appartement, Armand tente de survivre avec ses parents exilés iraniens, deux intellectuels qui vivent dans le 16e arrondissement, la mère (Anne Alvaro) pasionaria féministe et le père (Miki Manojlovic) écrivain. Armand, quand il est Shéhérazade, est surveillé par les trois potes de Mahmoud dans des courses poursuites hilarantes au début puis empreintes d'une tension affirmée quand les trois pieds nickelés deviennent envahissants.

Comme Armand et ses parents, Sou Abadi est une exilée iranienne. Il est possible après Persépolis de Marjane Satrapi et Vincent Peronnaud puis Nous trois ou rien de Kheiron d'établir une filmographie de ces cinéastes venus d'Iran raconter leur monde, notre monde, avec tant d'ironie et de conscience politique, on peut accrocher à ces films Jacky au royaume des filles de Riad Sattouf, également une fable sur la tolérance.

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