mercredi 21 juin 2017

The Charles Bukowski tapes (Barbet Schroeder, 1984)

Découvrir les enregistrements de Charles Bukowski par Barbet Schroeder juste après avoir vu Barfly, cela permet de constater à quel point la reproduction de la voix de l'écrivain par Mickey Rourke était d'une grande précision et d'une grande justesse. Jamais l'acteur n'imitait Bukowski, il en dépeçait les éléments les plus signifiants pour composer son personnage de vieil ivrogne et fier de l'être.

Cette série de 50 émissions de 3 minutes chacune tournée par Barbet Schroeder ont été produites par FR3 et Les Films du Losange en 1984. Elles commencent et finissent toutes par un court générique « Charles Bukowski par Barbet Schroder » et elles sont désormais visibles sur le DVD édité par Carlotta titré The Bukowski tapes. C'est une image ingrate, aussi moche que sera l'appartement de Henry dans Barfly.

Jusqu'à présent, je n'avais vu l'écrivain américain causer que dans la catastrophique émission de Bernard Pivot où, soûl comme un cochon, il éructait sous le sourire amusé du présentateur ravi de son bon coup médiatique. C'était en 1978. Devant la caméra de Barbet Schroeder, Bukowski explique qu'il déteste les talk-shows, qu'il hait la télévision et qu'il refuse de participer à ces émissions. « Autant bouffer son propre vomi », dit-il.

Barbet lance parfois une question et l'écrivain répond, clope ou cigare au bec, bière ou verre de vin à la main. Filmé en gros plan, la caméra s'éloigne progressivement pour le filmer en plan américain. Il est dans son jardin, dans son living-room, de jour, de nuit, parfois accompagné de sa compagne Linda King (qu'il insulte copieusement « you, fuckin' shit » avant de tenter de la gifler). « Les femmes essaient toutes de me manipuler ».

Ce Los Angeles qu'il a fréquenté et que Barbet a reproduit dans Barfly n'existe plus selon Bukowski. Les meilleurs bars ont fermé, « les putes, les macs noirs et la musique » sont désormais absents. Son quartier favori, celui où il allait s'enfermer des heures d'un bar à un autre était dans Hollywood Western. Avec un grand sourire, à l'arrière d'une décapotable, il commente chaque immeuble et maison du quartier. Il reconnaît ses amis ivrognes.

Il raconte son enfance malheureuse, il va visiter la maison de ses parents, la « maison de la torture » où son père le battait. C'est sans doute ce qui l'a mené à avoir cette « haine des conventions » et à « s'autoriser à faire ce qu'il veut ». Il développe au long de ce roboratif entretien la théorie de sa sagesse qui « consiste à faire ce que la foule refuse », à toujours prendre le contre-pied des autres, c'est en cela que Bukowski est un personnage à part entière du cinéma de Barbet Schroeder.

Dans l'un de ces courts entretiens, Charles Bukowski parle de Wanda, la femme qui sera un temps sa compagne et qui sera jouée par Faye Dunaway dans Barfly. Il évoque leur dispute mais finit par confesser que c'était une femme formidable. Au milieu de la noirceur de l'écrivain, les bribes drôlatiques abondent. Je crois que Barbet Schroeder a accompli ici un travail inédit de collection de pensées et visions pour sa fiction.

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