samedi 24 juin 2017

L'Opéra Mouffe (Agnès Varda, 1958)

Une femme nue de dos, assise. Un léger voile la rend éthérée. La même de profil, elle est enceinte, c'est Agnès Varda qui pose pour son deuxième court-métrage, L'Opéra Mouffe consacré à la rue Mouffetard. Plus tard, dans un jardin d'une maison un peu décrépie, un homme et une femme se promènent nus, ils sourient, se courent après, se câlinent, se regardent. Elle est Dorothée Blanks, il est Antoine Bourseiller, le compagnon de l'époque d'Agnès Varda et le père de Rosalie. Ce film a une part d'autobiographie de leur couple qui va s'achever dès la naissance de leur fille.

Ces quelques scènes d'une grande poétique des corps, la cinéaste les prolongent avec une volonté quasi surréaliste (après tout, elle est née en 1928, l'année de la création de Un chien andalou de Luis Buñuel). Un chou rouge coupé en deux (les enfants naissent dans les choux), un poussin tout juste éclos dans un verre, un pigeon dans un globe, des enfants portent des masques de Carnaval, une femme mange une rose. Ces plans sont d'une grande beauté, dans un beau noir et blanc où l'absence de parole, de dialogue fait d'autant plus ressortir le sens du cadre, donc de l'incongruité de ses plans.

Elle découpe son film en chapitres (des amoureux / du sentiment de la nature / de la grossesse / quelques uns / les chers disparus / joyeuses fêtes / de l'ivresse / des envies). On pense à Las Hurdes, toujours de Buñuel, quand elle filme les indigents de la rue Mouffetard qui viennent faire leur marchés, les vieilles bigleuses, les ivrognes titubants, les estropiés, les femmes épuisées par le marché, les habitants de ce quartier, de cette année 1958, et soudain au détour d'un plan, un slogan pour la paix, contre la guerre en Algérie inscrit sur un mur devant lequel passe une femme indifférente.

























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