jeudi 1 juin 2017

Drôles d'oiseaux (Elise Girard, 2016)

Ça fait tout drôle de voir Jean Sorel dans un film. Je crois que je ne le connais que dans Belle de Jour. A 83 ans, il joue Georges, un libraire de 70 ans (c'est ce qu'il dit), un type étrange à la vitrine couverte de papier journaux jaunis, aux cartons qui s'entassent dans les allées, aux rangées disparates. Mais surtout sans jamais personne dans la boutique. Quand un client entre dans cette libraire du Quartier Latin, vers la Montagne Sainte-Geneviève, Georges, lui dit de ficher le camp.

A quoi ça sert un livre quand on ne le lit pas, à occuper Viviane (Lolita Chammah) qui va les ranger. Elle a repéré une petite annonce dans un café (guère plus rempli de clients que la librairie par ailleurs, comme tous les lieux que visitent les personnages) qui propose de donner du temps pour surveiller la librairie en échange d'un petit studio. Viviane, qui se surnomme Mavie, va ainsi ranger les livres, les sort des cartons, les pose sur les étagères, parfois à l'endroit, parfois de traviole.

Georges s'absente souvent, sans se justifier, laissant une note sur le bureau encombré, signant de son initiale. Il la vouvoie et réciproquement, puis il la tutoiera tandis qu'elle continue de le vouvoyer, enfin, tous deux vont se vouvoyer. Sur ce bureau, Mavie écrit sur son cahier, sans que l'on sache vraiment si c'est un roman ou son journal intime, elle en donne quelques bribes en voix off. Quand il est là, ils ne se disent pas grand chose, ils gardent le silence, parfois, il l'embarque dans une promenade en voiture.

C'est tout un secret que cherche à préserver Elise Girard sur l'absence de clients, sur les départs soudains du patron, sur les liasses de billets qu'il laisse à la jeune femme, sur les rapports platoniques et amoureux entre eux. En revanche, l'amie de Viviane, Félicia (Virginie Ledoyen) n'a aucun secret : elle passe son temps au lit avec son amant qu'on ne verra jamais mais dont entendra uniquement les râles et orgasmes. Voilà pourquoi Mavie est ravie de s'installer dans le petit studio de Monsieur Georges qu'elle repeint en vert pâle.

Sans crier gare, des mouettes tombent du ciel et s'écrasent juste devant les pieds de Mavie. La cinéaste ne donne aucune explication mais fait intervenir un homme (Pascal Cervo) qui accuse les centrales nucléaires. Autre animal, le chat de Mavie qui vient taper sur le cahier où elle écrit. Encore un autre animal, une araignée filmée en gros plan, l'arachnide vient s'incruster au beau milieu du repas auquel Mavie a invité le jeune homme, il va progressivement remplacer Georges de plus en plus absent, de plus en plus énigmatique.

Dans le générique de fin de Drôles d'oiseaux, on découvre le prénom du personnage de Pascal Cervo : Roman. Le film aurait dû s'appeler « Mavie et un Roman » avec cet aspect littéraire et mental à la Alain Resnais. La bizarrerie s'accentue avec la musique stridente de Bertrand Burgalat, poussant le film vers le fantastique. Renato Berto filme ces dialogues anti-naturalistes au possible dans ces quatre décors qui dessinent un Paris hors du commun dans le cinéma français. Ça n'est pas toujours convaincant mais parfois c'est effectivement un drôle de film.

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