jeudi 4 mai 2017

Y-a-t'il un Français dans la salle (Jean-Pierre Mocky, 1982)

Le chef d’œuvre de Victor Lanoux est incontestablement est Y-a-t'il un Français dans la salle, en conséquence l'un des meilleurs films de Jean-Pierre Mocky. Chapeau noir, costume, redingote, cheveux blancs, visage fermé et dur, Victor Lanoux est Horace Tumelat, député et chef d'un parti de droite nommé le RAS. Tout le monde l'appelle Monsieur le Président en ce mois de mars 1981, quelques semaines avant l'élection de François Mitterrand.

Au réveil, dans son beau pyjama, dans sa chambre aux dorures républicaines, dans son lit géant où il dort seul, son domestique hidalgo (pour lui, c'est Señor el Presidente) apporte le petit déjeuner. « Tiens, Señor el Presidente n'a pas pété ce matin ». Tumelat fera son pêt avant que le téléphone ne sonne, c'est Alcazar (Dominique Lavanant) qui arrive pour préparer son discours devant le patronat. Il est énervé. « Ah, le fumier, il va pas me baiser ce matin » pense-t-elle.

Dès les premières minutes Jean-Pierre Mocky donne le ton de sa comédie politique écrite avec Frédéric Dard, des dialogues en voice over d'une vacherie irrésistiblement drôle, des répliques typiques du cinéma de Mocky que les acteurs prennent un plaisir non feint de délivrer. Le pamphlet politique des tous pourris « votre bannière c'est la SOFRES, votre patrie c'est la télévision » dira Jean-Marie (Jacques Dufilho) à Tumelat cède vite la place à un film policier mâtiné de farce.

L'enquête policière tourne autour de l'oncle Eusèbe qui vient de se suicider dans sa bicoque d'un quartier de banlieue. Eusèbe n'a pas laissé de lettre à son neveu, prétend l'inspecteur Serutti (Jean-Luc Bideau) mais Tumelat fouillera un peu mieux que ce flic obsédé par l'idée d'avoir enfin une promotion à Paris Centre et il espère pourvoir demander cette mutation au député mais jamais il n'y parviendra, incapable qu'il est de s'exprimer correctement.

Son collègue est d'un autre genre. Paul Pauley (Jean-François Stévenin) vit avec un artiste travesti de cabaret. Dès qu'il rentre chez son amant, il se fait tailler une petite pipe. Il va mener en solo cette enquête et aller voir la voisine d'en face chez oncle Eusèbe. Maman Fluck (Jacqueline Maillan), veuve vivant au milieu d'une colonie de chats devient la proie de la sexualité débridée de Pauley. Ce duo est l'atout majeur du film, lui en obscénité minable jetant les chats par terre, elle en frustration effarouchée.

Le duo entre Madame Réglisson (André Ferréol) et Monsieur Réglisson (Michel Galabru) n'est pas non plus piqué des hannetons – ils s'appellent l'un l'autre de cette manière. Ils habitent un pavillon de banlieue, il est cheminot, elle était la femme de ménage de l'oncle Eusèbe. Au milieu du salon trône un immense portrait de Georges Marchais dans un cadre digne d'un tableau de maître. Et ils ont une fille de 17 ans, Noëlle (Marion Peterson), toute rousse dont Horace va immédiatement tomber amoureux, comme un adolescent.

Il avait les cheveux blancs, il décide de les teindre (une sorte de roux blond). Un photographe au ton désinvolte nommé Eric Plante (Jacques Dutronc), à la recherche d'un scoop et fortement poussé par Pauley qui sent un bon coup et une promotion, prend des photos du jeune couple. Ils passent leur temps dans cette maison de l'oncle Eusèbe, un lieu où se cache bien évidemment un lourd secret que le policier allié du photographe va chercher à percer.

Tous ces personnages braques gravitent autour de Horace Tumelat (il faut ajouter dans deux courtes apparitions Emmanuelle Riva et Cavanna, respectivement l'épouse de Horace et l'amant de cette dernière). Victor Lanoux est impérial et à contre-emploi, en homme fatigué, sévère, peu amène, cassant avec tout le monde qui s'adoucit peu à peu, un homme qui trompe son monde depuis ses débuts en politique puis s'achète une rédemption au contact de la douce Noëlle. Oui, vraiment, c'est le chef d’œuvre de Victor Lanoux.




















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