mercredi 10 mai 2017

I am not your negro (Raoul Peck, 2016)

Nominé aux Oscars (pour le meilleur documentaire), diffusé fin avril sur Arte, I am not your negro sort aujourd'hui en salle. Je crois que le titre en anglais est préférable au français, negro n'est pas nigger donc pas nègre, c'est un léger détail sémantique. D'ailleurs, dès le début du film James Baldwin oppose au terme negro que donne le présentateur blanc qui l'interroge pour la télévision le mot black. Aujourd'hui on dirait African-American, ce qui n'empêche pas d'employer à nouveau black comme les images des manifestations Black Lives Matters, que Raoul Peck, inclut parmi ses éléments d'archive.

Le beau texte que James Baldwin avait écrit est lu par Joeystarr (dans la version française, sa voix est un peu sourde, pas toujours évident de tout comprendre). Ce texte de 30 pages avait été envoyé à son éditeur et devait servir d'amorce à un livre plus important consacré à trois figures des années 1960 : Medgar Evers, Malcolm X et Martin Luther King Jr, tous les trois assassinés, respectivement en 1963, 1965 et 1968. Tous avaient moins de 40 ans. James Baldwin n'a jamais pu écrire ce livre et c'est Raoul Peck crée ce livre en film soit le portrait des Noirs américains, de leur longue histoire, des ces 400 ans depuis la traite des esclaves jusqu'à l'élection de Barack Obama.

C'est un film dense, bourré d'images d'archive, notamment des conférences de Baldwin qu'il donnait cigarette à la main, d'extraits d'émission télé comme cette discussion contradictoire entre Malcolm X et Luther King, le premier accusant le second d'être un Oncle Tom moderne, ce à quoi le pasteur répond que seuls la non-violence et l'amour peuvent amener la libération. Et ce sont des photos terribles prises dans les états du sud où une jeune femme se fait insulter par des Blancs qui arborent un immense sourire devant leur violence. On découvre une publicité hallucinante qui rappelle que les Noirs sont aussi des consommateurs, même s'ils n'ont pas les mêmes droits.

Ce que pointe avec une grande habileté James Baldwin est qu'il a toujours été difficile pour un Noir de se construire une image. C'est là que le cinéma intervient. Baldwin reconnaît dans la danse de Joan Crawford dans Dance fool dance (1931) des pas et mouvements typiques des Noirs. Les héros sont tous blancs et les rares personnages noirs sont falots (le personnage de Sidney Poitier dans Devine qui vient dîner était détesté). Hollywood devait rassurer. « Ils ne peuvent pas se permettre de comprendre pourquoi les victimes se révoltent » affirme James Baldwin, tout l'idée du film est résumée dans cette pensée claire, simple et nette.

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