mardi 18 avril 2017

Madame Henderson présente (Stephen Frears, 2005)

Quand une aristocrate âgée devient veuve dans le Londres de 1937, elle décide de trouver un hobby. Laura Henderson (Judi Dench) suit les précieux conseils de sa meilleure amie Lady Conway (Thelma Barlow), également veuve : faire de la broderie, aider les pauvres dans des œuvres de charité ou avoir des amants. Son tempérament et sa richesse la porteront à faire un tout autre projet. Tandis qu'elle se promène dans les rues de Londres dans sa belle automobile cramoisie, elle passe devant un théâtre décrépi et à vendre.

Le théâtre est le Windmill, le Moulin. Il demande de nombreux travaux, elle a l'argent pour cela. Il nécessite un directeur artistique, ce sera Vivian Van Damm (Bob Hoskins, également producteur du film). Leur première rencontre est houleuse. Devant son nom, elle lui demande s'il est Hollandais, puis s'il est Juif. Avec sa grosse voix, il rétorque sur le même ton à ces outrecuidances et s'en va, refusant net ce travail. Avec un petit sourire, Madame Henderson comprend qu'elle a trouvé en Van Damm son alter-ego. Il devient le directeur du théâtre.

La construction comique de Madame Henderson présente est connue et attendue par les spectateurs. Un vieux bougon face à une excentrique frivole, les deux comédiens jouent à grand renfort de répliques qui font mouche (et qui sont excellemment écrites) les archétypes du buddie movie désaccordé, elle dit blanc, il dit noir. Les castings, les choix des numéros, les décors, Madame Henderson se mêle de tout, ce qui met en rage Van Damm. Et une idée surgit, ouvrir le théâtre toute la journée pour avoir plus de spectateurs.

L'idée fonctionne. Tout le gratin (dont Lady Conway qui s'amuse comme une petite folle) assiste à la première. Triomphe. Habituel défilé de coupures indiquant que le théâtre est complet, mélangé avec des extraits du show, strass, paillettes et lumières étincelantes des numéros de vaudeville. Seulement voilà, le succès amène les théâtres concurrents à copier la recette de Van Damm et Henderson et leur théâtre voit le nombre d'entrées diminuer. Réunion de crise, Madame Henderson propose de montrer des femmes nues.

Comme dans ses films précédents, Stephen Frears joue sur la pudibonderie des autorités britanniques incarnées ici par le Lord Chamberlain (Christopher Guest), conseiller du roi, sorte de censeur et d'indicateur des bonnes mœurs à suivre. Le directeur artistique pense qu'il ne pourra jamais monter un spectacle de nu, mais Madame Henderson a plus d'un atout. Elle connaît le Lord Chamberlain, le comte de Cromer, qu'elle appelle par son petit nom Tommy et contre lequel elle lance des petites piques quand elle lui parle.

Avec son chorégraphe vedette Bertie (Will Young), jeune homme fringant peu enclin à admirer la gent féminine et sa fidèle assistante Maggie (Doraly Rosen), Van Damm auditionne des jeunes femmes qui accepteraient de se dévêtir sur scène. Franchement inquiètes, elles suggèrent que tous les hommes présents se déshabillent également, et là, Madame Henderson, avec un petit sourire malin, ne perd pas une miette de ce strip-tease improvisé. Tout le film est composé de ce genre de petites saynètes cocasses.

Mais il faut revenir sur cette censure de la nudité et sur la pression qu'exerce Madame Henderson au Lord Chamberlain. Après l'avoir autant rabroué qu'amadoué en lui offrant du brie et du vin, il accepte (grâce à sa force de persuasion, l'un des ressorts du film, elle manipule habilement les gens sans qu'ils ne s'en rendent compte), à condition que les jeunes femmes ne bougent pas. Il faut que cela soit de l'art. Les filles seront donc comme dans des tableaux, immobiles mais la poitrine dénudées. Le Lord viendra approuver en personne le spectacle.

Le film de Stephen Frears s'étend sur cinq ans, ce qui inclue la seconde guerre mondiale. On avait vu en début de film que Madame Henderson se rendait sur la tombe de son fils mort à 21 ans dans les tranchées de la guerre de 14. Et la guerre arrivant, le théâtre se peuple de soldats qui viennent admirer les actrices bien plus que les chansons interprétées par Bertie et Jane (Camille O' Sullivan), chanteuse au bagout certain. Des chansons romantiques et patriotiques où les tableaux nus varient régulièrement selon l'actualité. Au dessus du théâtre, les bombes allemandes éclatent et détruisent les quartiers de Londres.

Au centre des tableaux nus se trouve la vedette du spectacle, celle que tous les hommes viennent voir et dont tous les soldats tombent amoureux. Maureen (Kelly Reilly) a été découverte par hasard par Van Damm et Bertie (elle est tombée de son vélo dans un canal un soir de pluie). Madame Henderson se retrouve en Maureen, sa jeunesse lui rappelle la sienne. L'arrivée d'un jeune soldat amoureux de Maureen, l'inquiétude de la guerre, la menace de fermeture (et un discours poignant de Madame Henderson) amènent le film sur une tonalité plus sombre et funeste.





























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