samedi 11 février 2017

Un steack trop cuit (Luc Moullet, 1960)

Chaque fois que je regarde les premiers courts-métrages de Godard (ses deux Charlotte), j'ai envie de regarder à nouveau Un steack trop cuit de Luc Moullet (plein de ses courts-métrages sont réunis dans un DVD édité en 2008 par Chalet Pointu). Le titre de son premier film est trivial, dénué de tout romantisme, tout en rappelant Charlotte et son steak, le court d'Eric Rohmer (encore et toujours taquiner le doyen de la Nouvelle Vague et le rédacteur en chef des Cahiers du cinéma où Luc Moullet écrivait à l'époque). On voit d'ailleurs un exemplaire de la revue être déchirée.

Décor minimaliste, un petit d'appartement comme chez Godard et c'est l'heure du déjeuner. Un frère (Albert Juross, le frère du cinéaste) et une sœur (Françoise Vatel), elle plus âgée que lui, qui vont passer tout le repas à se chamailler. Enfin, c'est surtout lui qui taquine sa sœurette sur à peu près tout ce qu'elle fait, et surtout sur ce steak qu'elle fait trop cuire. « Ah, la peau de vache » s'exclame-t-il avec un accent de titi parisien (ah, le parler jeune de l'époque, quel amusement). Oh, le frangin n'est pas un mauvais bougre, juste un peu rustre, un bougon de façade.

Le petit théâtre que déploie Luc Moullet comprend un nombre impressionnant d'allers et retour de la frangine de la cuisine à la salle à manger. Elle apporte des tomates, de la salade, des spaghetti. Chaque fois, le frère se goinfre comme un affamé et la sœur picore dans son assiette. Tout ça parce qu'elle a un rendez-vous avec un garçon. Il veut lui interdire, elle ne se laisse pas faire. Il met ses vêtements partout, elle range. Ils lisent à table. C'est un petit diablotin mais quand il va voir la voisine pour demander des saucisses (pour remplacer le steak trop cuit), il devient un ange.

La forme brève est ce qui va le mieux au cinéma de Luc Moullet. Le cinéaste n'est pas le meilleur scénariste de la Nouvelle Vague. Il se permet tout, faux raccords (ce qui est sur la table change à chaque plan), acteurs filmés de dos, sous-titres pour traduire l'argot du frère, gros mots et drague entre eux. En revanche, il possède un génie de la réplique et de la blague, Un steack trop cuit me fait rire à chaque visionnement. Luc Moullet apparaît quelques secondes, « l'appartement de Monsieur Gourguet » demande-t-il, « au dessus » répond la sœur, alors qu'il est déjà au dernier étage.















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