lundi 6 février 2017

My beautiful laundrette (Stephen Frears, 1985)

Le premier s'appelle Omar (Gordon Warnecke), le deuxième s'appelle Johnny (Daniel Day Lewis). L'un est Pakisatanais, un Paki comme le traite l'autre, punk typique de l'Angleterre de Margaret Thatcher. Ils se connaissent depuis l'enfance mais leur chemin a bifurqué, ils ne sont plus amis, au contraire, Johnny est passé dans le camp des « fascistes » comme le dit le père d'Omar, papa Hussein (Roshan Seth), le camp des skinheads (ou à peu près, Johnny n'émet aucun message pendant tout le film). Une fois adultes, la seule chose qui les unit, c'est le chômage synonyme du libéralisme de la Dame de fer.

Le chômage, ce douloureux problème, pour parodier l'autre. Omar a plus de chance que Johnny. Même si tout les oppose, Papa Hussein, ancien militant de gauche, appelle son frérot Nasser (Saeed Jaffrey), patron de petites boites diverses et variées, dont une laverie dans un quartier mal famé, en l'occurrence celui où habitent Johnny et ses potes bas de plafond. Et quand Omar va visiter le lieu de son nouveau boulot, il croise son ancien ami, et sans se soucier de quoi que ce soit, il va le rejoindre avec un grand sourire en entonnant son prénom très fort. L'autre est un peu gêné, esquisse enfin lui aussi un sourire.

La proposition est simple : « viens travailler pour moi » lui dit Omar. Les potes de Johnny lui répondent « tu vas pas bosser pour un Paki ? ». Mais le lendemain, Johnny retrouve le sourire d'Omar dans cette laverie décrépie. Et Johnny va commencer à faire les travaux, à peindre, réparer, virer les petites frappes, tout ça sous l’œil goguenard de ses potes qui viennent glander là, tels des corbeaux croassant autour d'un épouvantail. L'image est cocasse. Et la laverie devient belle, le petit gimmick sonore de bulles de savon qui éclatent retentit régulièrement. Les deux amis sont fiers de leur boulot. Ils peuvent enfin inaugurer.

Et plus si affinités... My beautiful laundrette est resté dans les mémoires pour la belle histoire d'amour entre Omar et Johnny. Elle pointe le bout de son nez sans crier gare, les deux amis ne se posent pas de question. Il s'embrassent gentiment, ils font l'amour dans l'arrière boutique le jour de l'inauguration, ils se disputent tendrement et se réconcilie en s'aspergeant d'eau. En 1986, filmer ainsi cette romance, en renonçant à tout dolorisme, en marquant son caractère positif, était une révolution, cette romance est aussi une idée de la résistance face à la division de la Grande Bretagne sous le joug des Conservateurs.

L'histoire d'amour d'Omar et Johnny est mise en parallèle avec la liaison de l'oncle d'Omar, Nasser a avec Rachel (Shirley Ann Field), une liaison cachée et infamante pour la famille. Quand son épouse et sa fille Tania (Rita Wolf) l'apprennent c'est un drame, autant parce que Rachel est blanche que parce qu'elles se sentent trahies. Nasser et Hussein verraient bien Tania épouser son cousin Omar, mais ce dernier laisse traîner les choses et Tania en profite pour enfin quitter le carcan familial, elle qui aspire, tout autant que Omar, à une vie de parfaits sujets britanniques, loin des traditions et des coutumes de leur communauté.

Dans le même genre d'opposition et de parallèle, Stephen Frears esquisse Salim (Derrick Branche), le bras droit de Nasser en arriviste, inquiétant, vénal. Salim est jaloux de la réussite d'Omar et peu rassuré de la place grandissante que prend Johnny. Face à ce jeune loup du libéralisme, ce profiteur du système, face à ce visage sardonique, il oppose Omar et Johnny, alternative utopique mais plaisante. Loin d'être angélique, Stephen Frears ne fait pas de la laverie le lieu de toutes les réconciliations mais celui de la cristallisation des problèmes de la Grande Bretagne. En 30 ans, My beautiful laundrette n'a pas pris une ride.



















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