lundi 2 janvier 2017

Belladonna (Eiichi Yamamoto, 1973)

C'est tout d'abord un cadre immaculé, tel une page blanche sur laquelle un simple trait de crayon apparaît. La caméra amorce un très long travelling latéral, de la droite vers la gauche soit le sens de la lecture au Japon. Le trait de crayon se transforme petit à petit, des fleurs, un paysage puis des personnages prennent forme en ligne claire, enfin le visage de Jeanne, l'héroïne de Belladonna se révèle dans l'entièreté du cadre, les couleurs pastels de l'aquarelle entourent le visage. Le travelling se poursuit tandis qu'une chanson fredonnée par une voix de femme raconte la triste histoire de Jean et Jeanne, deux amants maudits dans la France du 16ème siècle. Elle est trop belle pour que les nobles, la reine, le prêtre la laissent aimer Jean. Ils la veulent pour eux et Belladonna tentera de raconter cette histoire sombre et funeste.

L'animation est largement filmée avec ces longs travellings, avec les aquarelles créées par le peintre japonais Kuni Fukai. Des tableaux qui se succèdent, des plans fixent qui vont s'animer avec l'arrivée d'un étrange personnage qui veut également posséder Jeanne. C'est une sorte de diable rouge en forme de pénis qu'elle va saisir dans sa main, il la pénétrera dans un plan, très animé cette fois, pure fantasmagorie. Du sang sort de son vagin par flots entiers et se transforment en chauves-souris. Parce que Satan l'habite, elle sera considérée comme possédée. Belladonna est inspiré de l'écrit de Jules Michelet, La Sorcière. La belle ligne claire du début devient parfois terriblement sombre et hachée, des taches noires, quand le malheur s'abat sur les amants. C'est essentiellement le visage de Jean qui semble perdre toute sa vie, toute sa vitalité, tandis que Jeanne demeure dessinée comme une icône sensuelle et sexuelle.

Longtemps absent des écrans, jamais sorti dans ma petite ville de Grenoble (c'est pas faute d'avoir demandé aux salles), Belladonna est bel et bien le film d'animation psychédélique promis. Beaucoup trop psychédélique à mon goût par ailleurs, j'avoue ma relative déception, mais je suis content d'avoir le film. Dans cette aventure au moyen-âge d'une Barbarella aux cheveux longs et soyeux qui s'envolent telle la liberté qu'elle recherche désespérément, j'aime la courte séquence où Eiichi Yamamoto filme des figures dignes de Jérôme Bosch à la sexualité débridée, une femme éléphant, deux sexes qui s'enroulent, une girafe remplaçant la verge. La musique est composée par le musicien japonais Masahiko Sato, qui fait la part belle aux rythmes planants qui ne sont pas sans évoquer les albums de Frank Zappa du tout début des années 1970 (Apostrophe, 200 Motels ou The Grand Wazzo), des guitares en slide, du xylophone, des percussions.



























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