dimanche 11 décembre 2016

Premier contact (Denis Villeneuve, 2016)

Pour comprendre ce que disaient les Martiens, les deux scientifiques en blouse blanche de Mars attacks, que jouaient Pierce Brosnan et Jerzy Skolimowski, avaient une machine tout prête pour traduire. Il suffisait d'enregistrer le son sur une bande, de la repasser dans la machine, et hop, ils comprenaient que les visiteurs « venaient en paix ». Quand les aliens de Premier contact arrivent sur Terre, une telle machine n'existe pas. Le mot alien, d'ailleurs est sujet à discussion, car les militaires qui invitent Louise (Amy Adams) et Ian (Jeremy Renner, au nom en palindrome) nomment les extra-terrestres différemment. Louise, un peu gênée, un peu amusée, demandent si on peut les qualifier d'alien.

Le terme, pour une linguiste, est logique, puisque le langage est la passion de Louise et son métier. En début de film, on la découvre en train d'enseigner les langues romanes (en l'occurrence le portugais) à des étudiants, très clairsemés dans un grand amphi. La panique commence à s'emparer de la population à l'arrivée des aliens. Le prologue, en forme de Grand alibi (le film d'Hitchcock), semble déterminer la séquence où Louise n'agit pas, reste chez elle jusqu'à l'arrivée du colonel Weber (Forest Whitaker) qui l'embauche pour traduire la langue des heptapodes, c'est ainsi que les forces armées appellent les visiteurs de l'espace intersidéral.

Le duo décide de nommer les aliens qu'ils rencontrent dans l’œuf de 500 mètres qui flotte (une île flottante) au beau milieu d'un champ de la campagne américaine, Abbott et Costello, du nom de deux comiques américains largement oubliés aujourd'hui. Les heptapodes discutent dans leur environnement, une atmosphère gazeuse et cotonneuse, un espace éthéré qui les rend quasi invisibles. Mais il est dommage que l'aspect verdâtre et les tentacules soient si conformes à de nombreux extra-terrestres vus dans pleins d'autres films. C'est assez regrettable que l'imaginaire ne soit plus au rendez-vous pour figurer Abbott et Costello.

Pour un cinéaste, faire un film sur les extra-terrestres, c'est encore plus compliqué car Denis Villeneuve doit se confronter à 20 ans d'invasion, de rencontres du troisième type et d'autres attaques, de Mars attacks dont je parlais plus haut à Contact de Robert Zemeckis, The Arrival de David Twohy, Interstellar mais aussi Men In Black. Le spectateur que je suis, par le biais du point de vue de Louise, comme c'était déjà le cas de la protagoniste de Sicario, connaît tous ces films et se love dans l'imaginaire. Denis Villeneuve choisit parmi toutes les possibilités pour piocher divers éléments, à la manière d'un palimpseste et non d'un banal best of.

Là est l'une des choses les plus excitantes dans Premier contact, être à la fois en terrain très connu et dans un no man's land narratif, comme si le cinéaste décidait de remettre à plat les ingrédients du film d'extra-terrestres. Le meilleur exemple est la portée divine des heptapodes, évidente mais jamais mentionnée par les personnages, les chiffres 7 (le nombre de bras) et 12 (le nombre d’œufs éparpillés sur notre planète) sont des chiffres limpidement religieux. Et ces cercles, symboles de l'alliance, que nos deux scientifiques, d'abord en tenue orange, puis avec leurs propres vêtements, vont déchiffrer (le rôle du mathématicien Ian) et lire (celui de la linguiste Louise).

J'avoue avoir pris un réel plaisir à regarder Premier contact, sans aucun doute parce que j'aime ces histoires d'extra-terrestres, pour la première fois je trouve un film de Denis Villeneuve passionnant. Pour une fois, les militaires et les agents de la CIA ne sont pas stupides (salut Roland Emmerich), les autres pays ont un peu droit de cité (ça change du centrisme « étasuno-étasunien »). Ce que j'aime moins est la lumière marron très style à la Christopher Nolan (mais c'est la mode actuelle du réalisme de la SF). Quant aux souvenirs de Louise avec sa fille Hannah (un nom en palindrome) gonflant pendant toute la première partie, ils se justifient amplement.

PS : Le film me rappelle aussi un épisode de la série La Quatrième dimension (The Twilight zone), saison 3 épisode 24 titré Comment servir l'homme sur des extra-terrestres très bienveillants et sur la traduction d'un livre laissé par l'un d'eux, épisode qui a bien évidemment inspiré la série V de Kenneth Johnson.

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