samedi 17 décembre 2016

L'Ornithologue (João Pedro Rodrigues, 2016)

J'imagine que ce qui intéresse le cinéaste portugais dans le choix de Paul Hamy pour le personnage de Fernando est ce mélange de rudesse et de douceur, un physique pas si éloigné de celui de Jason Statham, gueule carrée et pilosité importante mais rassurante, comme un gentil nounours que l'on aurait envie de caresser. João Pedro Rodrigues le filme au début de son film en train de nager, dans un format cinémascope, traversant la rivière de laquelle il observe les oiseaux, histoire de coller au titre du film.

Puis Fernando sort de l'eau, en slip, prépare un café et observe les beaux oiseaux qui nichent et vivent et se reproduisent sur les falaises au bord du fleuve Douro. Dans ces dix premières minutes, trois variétés de plan se succèdent. Fernando observe les oiseaux et l'écran prend la forme des jumelles, les oiseaux scrutent Fernando dans un cadre flou et des plans plus neutres de l'ornithologue qui voyage sur son kayak. Les notions sur les oiseaux sont d'une banalité affligeante (niveau page wikipédia), on entend le jeune homme constater que les oiseaux pondent.

Fernando travaille seul, mais son petit ami Sergio lui téléphone chaque jour. Et lui rappelle surtout de bien prendre ses médicaments. Si le début de L'Ornithologue est mis en scène avec un certain réalisme, d'ailleurs extrêmement lumineux, ce qui est une première pour João Pedro Rodrigues il faut bien le reconnaître, il va vite aller dans une autre direction. D'abord un fil d'allégorie de plus en plus complexes puis vers la nuit singulière et proche du fantastique. Quant à Fernando, il ne va jamais cesser de rencontrer d'autres personnages au bord de son périple. Tout commence après un accident de kayak.

Chaque nouvelle rencontre se produit sous le signe d'un animal. Il est sauvé par deux Chinoises appelées Fei et Lin, deux « félines » qui vont chasser ce petit oiseau de Fernando en le ligotant. Puis, dans la nuit, il croise des fêtards du coin qui s'amusent à éventrer un sanglier. Plus tard, il rencontre un berger qui garde des chèvres (il boit du lait au pis) et des moutons. Enfin, trois amazones qui montent à cheval viennent lui parler. Pour finir, dans la forêt, des animaux de la savane, empaillés (une girafe, un tigre) sont éparpillés. Sans oublier un hibou au regard inquisiteur.

Chaque rencontre est l'amorce de nouvelles expériences sexuelles (par si nouvelles que ça depuis O Fantasma). Le bondage SM avec les deux Chinoises (gros plan sur sa bite en érection sous son slip), un peu d'orgasme sous un jet de pisse avec les fêtards nocturnes, des bisous et des caresses en bord de rivière avec le petit berger peu farouche. Il se refusera uniquement aux amazones qui chevauchent poitrine nue leurs montures et s'en iront après lui avoir révélé sa vraie personnalité. Le cinéaste jouera le double de Paul Hamy dans les champs-contre-champs.

Le film élabore un sur-texte religieux (l'inverse du sous-texte) franchement envahissant et souvent naïf. Les Chinoises font le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle, les fêtards pratiquent des rites satanistes, le berger s'appelle Jésus et Fernando finit au milieu d'une collection de statues de saints et de la vierge aux membres brisés. C'est tout à la fois des touches de Pasolini versant Des oiseaux petits et grands (bien évidemment) que de Buñuel période La Voie lactée : Antonio, le double de Fernando part avec Jésus, main dans la main.

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