mardi 6 décembre 2016

Le Bûcher des vanités (Brian De Palma, 1990)

Une limousine s'engouffre dans le sous-sol du World Trade Center, il en sort Peter Fallow (Bruce Willis), dans un costard blanc, lunettes de soleil sur le nez et bouteille de Bourbon à la main. Ivre mort, il est conduit en titubant par une assistante sur un chariot qui doit l'emmener vers la salle où un large public l'attend pour la sortie de son livre. Fallow flirte avec toutes les femmes, il se conduit en goujat, il change de chemise en marchant, il veut s'enfermer seul dans le monte-charge avec une jeune femme et continue de boire.

Tout cela, cette scène d'ouverture, Brian De Palma le filme en plan séquence, de l'ombre de ce sous-sol impersonnel, gris et fonctionnel à la lumière de néons devant un parterre d'hommes en costards et de femmes en robes de soirée. Bruce Willis se présente en voix off, avec sa pointe habituelle d'ironie dans la voix. Il décrit les coulisses de sa réussite littéraire et va lancer le long flash-back des dessous de son enquête journalistique. Montrer les dessous d'une affaire sordide, pour le cinéaste, cela consiste d'abord à commencer son film dans un sous-sol peu reluisant avec un soûlard irrespectueux.

Dès le plan suivant, la caméra se dirige dans les beaux quartiers Park Avenue, dans ces appartements tenus par l'un de ces doormen obséquieux. Bienvenue dans l'immense appartement en duplex de Sherman McCoy (Tom Hanks) et de son épouse Judy (Kim Cattrall), couple de la bourgeoisie newyorkaise qui pense que tout lui est dû et qui étale sa richesse. Ce soir-là, Sherman décide d'aller promener le toutou de madame malgré la pluie. Elle a beau essayer de le convaincre de ne pas sortir – et le cabot traîne lui aussi des pattes, il veut absolument aller dehors.

C'est que Sherman a un coup de fil à passer à Maria (Melanie Griffith), sa maîtresse. Brian De Palma emploie, après Body double, l'actrice pour un personnage de femme sotte en apparence (elle se trompe sur tous les mots, montrant son absence de vocabulaire) mais qui sait mener sa barque. Le modèle du personnage de Maria Ruskin est celui de Lorelei dans Les Hommes préfèrent les blondes. Une femme ambiguë mais sûre d'elle. Dans Le Bûcher des vanités, Maria a épousé une homme riche et plus âgé qu'elle. Elle changera d'amant comme de manteau de fourrure.

Sherman ne quitte son beau domicile de Park Avenue que pour plusieurs raisons. D'abord aller travailler à Wall Street où il est un trader impitoyable et aventureux. Pour aller s'ennuyer à l'opéra où l'on joue Don Juan et enfin pour rejoindre Maria qui loge dans un petit appartement près de la 1ère avenue et du pont Queensboro. Un appartement à loyer plafonné que Maria sous-loue, ce qui montre le niveau de corruption de tous ses personnages que Brian De Palma s'amuse à filmer la plupart du temps dans des contre-plongées accusateurs.

C'est ainsi parti pour le développement nodal du film, celui par lequel la crise arrive. Sherman et Maria se trompent de sortie d'autoroute après une soirée, au lieu d'arriver à Manhattan, ils se retrouvent dans le Bronx. La séquence est assez amusante. Maria, vêtue de son manteau de fourrure, demande avec une certaine innocence qui confine à la stupidité où sont passé les Blancs. Puis, ils sont face à deux gars, Maria prend le volant tandis que Sherman était sorti de sa Mercedes et elle renverse l'un des deux hommes, un jeune Noir. Et ils prennent la fuite.

Brian De Palma met en scène sans se fouler la descente aux enfers de Sherman en parallèle avec la montée vers la gloire de Peter Fallow. Ce dernier est montré comme un alcoolique notoire que tout le monde évite, un enquiquineur sans relation, un journaliste médiocre. C'est évidemment pour ces défauts qu'il est choisi quand le procureur Weiss (F. Murray Abraham) décide de saquer un Blanc, un Wasp, un golden boy, soit Sherman McCoy, pour se faire élire et engranger les voix des habitants des quartiers les plus pauvres de New York City.

Ce n'est pas le meilleur film de son auteur, loin de là, mais Brian De Palma n'avait pas vraiment le choix après le bide monumental de Outrages (Casualties of war). Outre ce plan séquence d'ouverture, on trouve quelques effets de sa signature dans le film, un split screen quand le pasteur du Bronx s'exprime, trois demis-bonnettes typiques de son style (mises en lumière par Vilmos Zsigmond) dont l'une a lieu lors d'une soirée, juste après l'opéra, où l'acteur de la pièce (Andre Gregory) semble faire office tout à la fois de chœur antique et d'oracle qui annonce la chute prochaine de Sherman McCoy.

Il est entré dans le projet du Bûcher des vanités une fois les acteurs choisis. Brian De Palma laisse donc jouer Tom Hanks et Bruce Willis en sourdine. En revanche, il demande aux seconds rôles d'être très expressifs, à la limite du grotesque (dans l'acception théâtrale du terme). Morgan Freeman dans le rôle du Juge intransigeant, Saul Rubinek dans celui du procureur adjoint vicieux, F. Murray Abraham dans le personnage du candidat mégalomane et enfin John Hancock dans le rôle du pasteur Bacon, vénal et grandiloquent. C'est pour ces personnages que Le Bûcher des vanités est encore un peu regardable.






























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