vendredi 16 décembre 2016

La Jeune fille sans mains (Sébastien Laudenbach, 2016)

Hier, je parlais de Journal premier court-métrage de Sébatien Laudenbach, pseudo-documentaire sexué de 11 minutes, j'ai vu depuis son premier long-métrage qui fait une heure de plus. La Jeune fille sans mains aborde le même genre d'animation, que je pourrais définir a contrario, soit l'absence de ligne claire, une ligne trouble. Il plonge son spectateur (à ma séance uniquement des adultes) dans des dessins tout juste esquissés, tremblant, clignotant parfois, des motifs en à plat qui procurent une étrangeté accentuée par les traits des personnages.

La caméra circule à travers les dessins de Sébastien Laudenbach comme des travellings. Les personnages (les femmes ont des traits africains) eux s’arrêtent momentanément sur les paysages qui s'apparentent à des taches de gouache, leur contour se détachent et laissent une trace éphémère, comme des souvenirs fantomatiques. C'est finalement assez difficile de décrire ce qui se passe sur l'écran, quelque chose d'assez inédit dans l'animation, surtout française qui cherche la joliesse constante, la poésie instantanée et l'éducatif à tout prix.

La Jeune fille sans mains cherche à tout prix à faire l'inverse. Il se coltine un récit d'une cruauté absolue où le prix de la richesse est la mutilation d'une jeune fille (voix d'Anaïs Demoustier) par son père. Un prix encore plus fort que celui de Peau d'âne qui s'exile pour éviter un mariage incestueux. J'ai beaucoup pensé au film de Jacques Demy, notamment pour ce qui concerne les richesses du père de la jeune fille (voix d'Olivier Broche) et le rôle de la rivière (voix éraillée d'Elina Löwensohn) qui rappelle celui de la Fée des lilas, porteuse de conseils.

Quels conseils ? Le diable veut acheter la jeune fille, c'est l'incroyable voix ronde de Philippe Laudenbach, le papa du cinéaste, qui incarne ce diable. Ses apparences sont trompeuses, un cochon, un corbeau, prend l'apparence d'autres personnages, il troque les lettres du prince (voix de Jérémie Elkaïm) à la jeune fille pour annoncer qu'elle a donné naissance à un monstre. La rivière conseille ainsi de quitter le monde, de s'abriter dans la montagne, loin du monde et loin des richesses. Elle élèvera son enfant seule, telle une mère courage et cultivera son jardin.

Il est question d'une autre rivière dans La Jeune fille sans mains, celle du meunier, son père très pauvre qui vend son âme au diable. La rivière d'or se substitue à la rivière d'eau. Mais qui peut se nourrir avec de l'or ?, ça ne se mange pas. La morale de l'histoire est édifiante, tout comme le mélodrame extrême entre le prince et la jeune fille, lui après des mois de guerre part la retrouver. L'image se fait de plus en plus sombre, quasi noire, le film est totalement sinistre, avant de finir vaguement dans un éclat de couleurs plus lumineuses.

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