dimanche 4 décembre 2016

Gotlib et le cinéma

Marcel Gotlib vient de mourir à l'âge de 82 ans. Je lis ses textes et bandes dessinées depuis plus de trente ans, mon grand-frère achetait Fluide Glacial. Et moi-même je m'étais constitué la collection de ces bandessinées à l'umour le plus drôle et sexué qui soit (fautes d'orthographe venant de la graphie du magazine quadragénaire), Rubrique-à-brac, Dingodossiers, Cinémastock, Rhââ Lovely, Rhââ-gnagna, Pervère Pépère, Gai Luron et Superdupont, entre autres joyeusetés où le dessinateur n'hésitait jamais à sortir les pires horreurs dans une langue des plus exquises, un français à couper le souffle et des tournures de phrase rares dans la bande-dessinées. C'est ce qu'on appelle un orfèvre du langage. Et quel dessin, tout à la fois hyper réaliste et constamment dans l'exagération, c'est dire s'il savait parler de notre société, s'il la voyait d'un œil acéré et juste.

Ce travail critique, dénombrant les incohérences, les aberrations, les illusions de la France de De Gaulle puis de Pompidou, il l'avait commencé dès la fin des années 1959. Entre 1965 et 1968, il fait les Dingodossiers avec René Goscinny, ce dernier écrivait les texte et Gotlib dessinait. C'était pour le journal Pilote, donc le ton restait modéré. Plusieurs dossiers sont d'ailleurs consacrés au cinéma. Avec son sens de l'ironie, il donnait les secrets sur les figurants, le doublage, les scènes ratées, le spoil des fins de films, les génériques. A partir de 1970, il dessine et écrit seul les Rubrique-à-brac. On y trouve une parodie sur L'Enfant sauvage de François Truffaut, un western de Sergio Leone avec Lucky Luke à la place de Clint Eastwood, des extraits du « Rectangle vert » le « nouveau » film de Jean-Pierre Melville, une vision d'un Chabrol. Puis il quitte le journal Pilote et crée Fluide Glacial en 1976.

Dans les albums Rhââ-gnagna, le tome 2 est largement consacré au cinéma ; on y croise Bruce Lee, on cause travelling, Buster Keaton au paradis, Eddy Mitchell présente la Dernière séance, il parodie le Mabuse de Fritz Lang. On trouve aussi le storyboard de La Dernière cène que Pascal Aubier adaptera en court-métrage en 1992 : Jésus multiplie le vin et les pains et veut faire le malin en tirant la nappe sans rien renverser, mais tout tombe dans un grand fracas. Tout va exploser, son ton, son dessin surréaliste, hyperréaliste, postréaliste avec Rhââ Lovely que je considère comme son chef d'œuvre, superbes pages sur les goûts au cinéma avec Claire Brétecher qui donne son avis sur quelques films du printemps 1973, relectures ultra sexuelles de La Fiancée de Frankenstein et de L'Exorciste, sans doute sa plus grande réussite où toutes ses thématiques sont réunies.

Quant au double album Cinémastock, il est consacré (en partie) à une nouvelle vision des films classiques. Gotlib est au scénario (avec cette si belle langue) et Alexis au dessin (ce que j'ai toujours regretté). Leur relecture des Malheurs de Sophie puis de Notre-Dame de Paris sont des merveilles de cruauté. Son amour, sa passion et sa connaissance du cinéma ne l'ont hélas jamais mené à y travailler. Pour Le Viager de Pierre Tchernia, il a dessiné la courte partie d'animation, dans un style très enfantin pour explique ce qu'était un viager. Il a écrit le scénario de Les Vécés étaient fermés de l'intérieur le premier long-métrage de Patrice Leconte, film dont je ne garde aucun souvenir. Il a aussi fait quelques rares fois l'acteur. Quoi qu'il en soit, il faut lire, relire et lire encore une fois Gotlib. Sur la couverture de Rubrique-à-brac tome 4, il s'était dessiné en Alex de Orange mécanique.






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