jeudi 10 novembre 2016

Dernières nouvelles du cosmos (Julie Bertuccelli, 2016)

Dans le cosmos, une jeune femme de 30 ans prénommée Hélène ne sait pas parler mais elle sait écrire. Et pas qu'un peu. Julie Bertuccelli l'a rencontrée il y a deux ans quand le metteur en scène de théâtre Pierre Meunier a décidé de mettre en scène certains des textes hautement métaphoriques et souvent intellectuels d'Hélène Nicolas sous le pseudonyme de Babouillec. La cinéaste a pris sa petite caméra et a suivi Hélène de la conception du spectacle Forbidden di sporgersi à sa présentation au Festival d'Avignon 2015.

On ne sait d'abord pas vraiment où nous mène le premier quart d'heure de Dernières nouvelles du cosmos. Pas de commentaires dans ce documentaire, pas d'explications. Hélène se déplace avec une bouée autour des hanches, elle pénètre dans un hangar qui sert de salle de répétition, elle pique le livre Algorithme éponyme des mains de Pierre qui va le récupérer pour en lire quelques phrases. On pense qu'il s'agit d'un atelier pour autistes puisque Hélène est autiste, comme le dit sa mère Véronique, mais on comprend qu'elle est l'auteur de ces lignes, de ce texte énigmatique et dense.

La méthode d'écriture est au centre du film. Une boîte contient toutes les lettres de l'alphabet écrites sur des petits cartons, Hélène saisit avec deux doigts une lettre, la pose à droite d'une feuille blanche pour bien la montrer à son interlocuteur, reprend la lettre et la met sur la page. Les mots se forment, puis les mots forment des phrases et les phrases des textes. Cela fonctionne comme un rituel, chaque lettre posée est suivie d'un petit coup du doigt sur la table. Et ensuite, les textes apparaissent sur l'écran, comme dans le titre du générique (repris sur l'affiche).

Véronique parle beaucoup de sa fille, de la découverte de son autisme et du travail de longue haleine pour communiquer avec Hélène. Elle voulait la sortir du noir, l'en délivrer. Elle raconte comment elle a commencé à écrire, par quel biais. Et là, on apprend que Hélène n'a jamais appris à lire ni écrire, sa mère n'explique pas comment elle sait écrire, et sans faute d'orthographe, comme on le voit sur l'écran. Et pas des mots simples, ô combien, elle a un vocabulaire complexe. Véronique espère qu'elle trouvera un jour la porte pour le langage.

Julie Bertuccelli filme les moments de joie (la promenade à cheval, la baignade dans la mer, écouter des chansons de Bashung), les moments d'angoisse (la lecture d'un article de Libération, pourtant élogieux, met Hélène dans tous ses états), les crises. Elle filme aussi des rencontres avec deux journalistes radio qui font un reportage « les fantômes de la langue », plus loin, elle rencontre un mathématicien et semble en harmonie avec lui. Véronique soupçonne sa fille, non sans humour, d'être télépathe. Et pourquoi pas ?

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