mercredi 19 octobre 2016

Willy 1er (Ludovic Boukherma, Zoran Boukherma, Marielle Gautier & Hugo P. Thomas, 2016)

Ils se sont mis à quatre pour faire leur premier film, huit bras et huit yeux. Ils se sont rencontrés à l'académie de cinéma de Luc Besson, L'Ecole de la Cité, ce qui a prêté à un joli quiproquo quand deux d'entre quatre sont venus présenter le film à Grenoble puisqu'une spectatrice croyait qu'ils disaient l'école de la cité, soit des quartiers difficiles, comme on dit l'école de la rue. La cité de Luc Besson, c'est la Cité du cinéma, son immense studio à la Seine-Sainte-Denis.

Pour un documentaire sur l’illettrisme, ils avaient rencontré Daniel Vannet, bon gros bébé de 50 ans, chauve et bigleux. Ils en ont fait le héros de leurs deux premiers courts-métrages (Ich bin eine Tata et Perrault, La Fontaine, mon cul) et dans Willy 1er il joue deux frères, Michel et Willy, des jumeaux qui vivent dans un coin perdu de la France rurale. Ils habitent chez leurs parents. Ils font du drifting en bagnole dans une carrière. Un jour Michel se suicide et Willy se retrouve tout seul.

Il faut dire un mot sur Daniel Viannet, sur son physique massif que les quatre réalisateurs prennent plaisir à mettre à nu (il fait penser à Gérard Depardieu dans Valley of love), un homme à l'élocution difficile comme Jean-Claude Rémoleux, l'un des acteurs fétiches de Jean-Pierre Mocky, une bizarrerie dans le cinéma, un corps hors norme qui décide de enfin vivre sa vie sans ses parents, de trouver un boulot (hilarante scène d'embauche) et d'avoir un appartement.

Willy 1er s'apparente à un road movie au ralenti. Notre héros marche lentement, se déplace dans la campagne à la ville (Caudebec en Normandie) en scooter. Il veut s'incruster chez sa curatrice (Noémie Lvovsky, la seule « actrice » professionnelle) qui l'a hébergé pour une nuit. Willy est poussé vers la sortie à cause de ses insultes, il n'y va pas avec le dos de la cuiller comme si tout lui était dû. Il prend des atours assez inquiétants et Noémie Lvovsky a de quoi se faire du souci.

Alors comme le proclament les chapitres, il l'aura son petit appartement, un logement froid avec ses murs blancs comme dans tous les minuscules apparts, des volets coulissants et des plaques pour faire cuire sa bouffe. Il est loin de la ferme de ses parents à la déco un peu kitsch, à l'image de cette vidéo faite à la mort du jumeau, ce genre de vidéos qui hantent youtube bourrées de fautes d'orthographe sur des images violettes de dauphins et de bouquets de fleurs.

Seul, il cherche maintenant à se faire des amis, une nouvelle famille. Au Carrefour où il occupe le poste enviable d'agent du nettoyage (entre autres tâches ingrates), il rencontre un autre Willy (Romain Léger), tout l'inverse du premier Willy. Jeune, grand, mince, cheveux décolorés. Les rapports sont d'abord houleux, ils se disputent sur leur machine à nettoyer. Puis, ils s'acclimatent en douceur. Ils s'invitent ensuite à manger (« t'aimes le riz ? je te ferai du riz » dit Willy 1er).

Seulement voilà, les autres potes de Willy 1er. Brice, Patrick et Gilles, vraies gueules à la Mocky eux aussi, veillent à profiter du gentil naïf. L'un emprunte son scooter, un autre se moque de Willy 2 qu'il appelle Chantal, le dernier le force à payer son coup. La grande question de Willy 1er est donc de savoir comment Willy va se dépêtrer entre son nouvel ami gay et transformiste et ses potes beaufs qui s'engluent dans dans la mesquinerie. Les sourires, quand Willy comprend qui est « Chantal », mettent mal à l'aise.

Willy 1er est un premier film modeste parfois rigolo, un peu OVNI sur les gens en marge, que les quatre réalisateurs filment frontalement. J'ai souvent pensé au cinéma de Kervern et Delépine, première période, quand ils filmaient la pauvreté, et à un autre film rarement vu, franchement oublié, Jacqueline dans ma vitrine unique film de Philippe Pollet-Villard et Marc Adjadj, autre variation sur les corps incongrus lancé dans un monde conformiste et qui ne s'en sort pas.

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