mardi 9 août 2016

Poussières dans le vent (Hou Hsiao-hsien, 1986)

Dernier film (chronologiquement) de Hou Hsiao-hsien programmé par Carlotta cet été, Poussières dans le vent était déjà sorti en France en 1991. Deux personnages, un homme Yuan et une femme Yun, pris dans une histoire d'amour qui ne cessera jamais d'être reportée, qui semble jamais ne pouvoir démarrer et s'épanouir, qui s'englue dans le quotidien morne et banal que le cinéaste taïwanais se plaît à décrire avec minutie, dans ses moments de creux en fiction où les deux héros vont passer de la jeunesse à l'âge adulte, comme une suite directe à Un temps pour vivre un temps pour mourir où Ah-ha, le personnage miroir d'Hou Hsiao-hsien, pourrait enfin tenter de séduire la fille à qui il parlait à la fin du film.

La famille est moins nombreuse, cette fois c'est un grand-père qui tisse un lien très fort avec le jeune homme. Ce grand-père cherche à le retenir dans cette campagne d'où l'on accède qu'avec un vieux train qui traverse les tunnels de la montagne. Le vieillard lui enseigne les vieilles traditions taoïstes, il veut lui transmettre son passé. Mais Yuan s'ennuie terriblement malgré l'amitié qu'il a pour Yun. Le jeune homme veut absolument quitter la montagne pour Taipei, dans le même mouvement d'indépendance qu'avaient Les Garçons de Fengkuei. On a un peu l'impression d'être dans un film d'époque jusqu'à son départ où la grande ville est synonyme de modernité. Avec son visage triste (l'acteur ne semble jamais vraiment vouloir esquisser un sourire), Yuan se retrouve dans la capitale.

La jeune fille ne va pas tarder à rejoindre Yuan à Taipei, sans jamais oser franchir le pas de l'histoire d'amour véritable. Et là-bas, il faut bien vivre. Yuan bosse dans une imprimerie où la patronne le traite pis que pendre (l'engueulade pour ne pas avoir apporter le repas à son fils est terrible, d'autant qu'il n'ose pas répondre). Yun travaillera chez un couturier mais elle n'est pas très dégourdie. Là, le matérialisme romantique se met en place, Yun coud une chemise à Yuan, mais elle s'avère trop large. Toute la maladresse du couple qui ne se formera jamais est décrite dans cette chemise. Et plus tard, ce seront les lettres qu'ils s'échangeront pendant qu'il est à l'armée (le film évoque d'ailleurs dans ces séquences les réfugiés chinois qui fuient le continent), des dizaines de lettres où ils se racontent leur vie réciproque.

Derrière cette romance toute en langueur, en longs plans où la caméra fixe recule pour cadrer l'ensemble de la scène, Hou Hsiao-hsien nous parle de cinéma. En début de film, Yun et Yuan voient dans le village l'écran de toile s'installer pour une projection de film. Plus tard, à cause des coupures d'électricité, la projection sera interrompue (quel est donc ce film où une paysanne conduit une troupe de canards au champ ?). Entre ces deux scènes, Yuan logera dans le grenier d'un cinéma (dans Cute girl, c'était un théâtre), où l'on entend le son des répliques du film de kung-fu projeté. Et le colocataire de Yuan a pour métier d'être peintre de ces affiches de cinéma au format géant qui ornait les salles de cinéma jadis. Au moins pour ces notations sur le cinéma, on peut dire que Poussières dans le vent a une inspiration autobiographique.

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