jeudi 25 août 2016

Hotel Singapura (Eric Khoo, 2015)

Hôtel Singapura, chambre 27, voilà l'unique décor du nouveau film d'Eric Khoo, hormis quelques rares incursions dans le couloir. Un film à sketches avec une flopée d'acteurs qui se retrouvent dans cette chambre, étalé sur 80 ans de 1945 à 2025, l'ancien et le nouveau, toute l'histoire de Singapour depuis la fin de la seconde guerre mondiale, une histoire par le petit bout de la lorgnette dans cette île état où l'on rappelle par les dialogues que les lois sont strictes. La chambre 27 de l'hôtel accueille donc des amours marginales et hors des normes sociales de Singapour.

1945, noir et blanc, zoom arrière sur une carte postale de l'hôtel, luxueux comme le dit l'homme qui fredonne juste avant le générique. Dans la chambre, un Chinois et un Anglais, ce dernier annonce qu'il va retourner à Londres. Le Royaume Uni accorde son indépendance à la Malaisie à laquelle Singapour appartiendra encore quelques années. Ils sont amants et leur séparation ne se fait pas sans mal, l'amant chinois refuse de suivre l'Anglais car pour lui cela reviendrait à abandonner sa famille, sa patrie naissante et son travail.

1955, retour à la couleur, cinq femmes cantonaises en robes fleuries (genre celles de Maggie Cheung dans In the mood for love) apprennent le sexe grâce à leur mère maquerelle. Cours du jour, balles de ping pong et bananes suivi de la pratique. 1965, un groupe de rock de Singapour viennent fêter le jour de l'an dans la chambre, ils sont accompagnés de jeunes femmes. Le chanteur Damien remarque la femme de ménage Malaise. Il fait une overdose et viendra hanter la chambre jusqu'à la fin des temps. C'est lui qui chantait en début de film.

1975, un couple d'amants de Thaïlande, l'un d'eux a décidé de changer de sexe. 1985, une femme japonaise couche avec un jeune et sexy singapourien, elle appelle son mari tandis que l'amant lui annonce qu'elle est très amoureux d'elle. 1995, deux amis de Corée viennent oublier leur souci, la fille ne veut plus penser à son ancien amoureux et son pote fantasme sur elle. 2005, la femme japonaise de 1985 vient toujours coucher avec de jeunes hommes. Elle reviendra encore et encore dans l'espoir de retrouver cet amant qu'elle n'a jamais réussi à oublier et égaler.

Comme dans tous les films à sketches de qualité très inégale, les scènes de Hotel Singapura sont concentrés sur les dialogues, hélas souvent très sirupeux et dignes d'un soap opéra ou d'une sitcom. Mais c'est une polyphonie de langues qui s'exposent aux oreilles : anglais, mandarin, cantonais, thaï, coréen, comme si toute la misère sexuelle de l'Asie du sud venait s'installer dans cette suite. Homosexualité bafouée, prostitution, transexualité, adultère, voyeurisme et surtout de la frustration de la part de tous ces personnages.

Ce qui dit en substance Eric Khoo, qui prend fait et cause pour toute cette galerie de personnages, c'est que rien ne change vraiment au fil des années. La sexualité est toujours un sujet tabou dans les pays d'origine et à Singapour. Ce qui change, ce sont les décors de la chambre 27, chaque décennie est marquée par les meubles, les tenues, les objets et les papiers peints. A l'extérieur vu depuis la fenêtre et en écho du hors-champ, c'est Singapour qui devient un petit Dragon tandis que l'hôtel se décrépit jusqu'à tomber en ruine. Tout cela est très funeste mais pas toujours convaincant.

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