lundi 18 juillet 2016

The Other guys (Adam McKay, 2010)

L'apothéose du jeu de Will Ferrell, super héros du cinéma comique américain, se trouve dans The Other guys (j'utilise ce titre original plutôt que le titre français, Very bad cops). Il possède dans ce film, que je considère comme sa dernière interprétation grandiose, une maîtrise remarquable de l'alchimie du gag, du burlesque et de la comédie, tout en sous-jeu puis en sur-jeu, comme personne. Pour que cela fonctionne, Adam McKay a une idée brillante, faire de The Other guys une l'illustration des clichés les plus courus et communs vus dans les films de flics.

Cela commence par un faux début, un démonstration de ce qui existe de pire dans le cinéma d'action : les flics qui se prennent pour des super héros. Soit Christopher Danson (Dwayne Johnson) et P.K. Highsmith (Samuel L. Jackson), deux mecs qui en ont, lunettes de soleil au volant, traversant tout New York dans une bagnole rutilante pour « servir et protéger » le citoyen. Après une course poursuite semée d'explosion, de voitures cabossées et la Trump Tower en feu, un journaliste ose poser la question « est-ce qu'arrêter deux vendeurs de shit valait de détruire pour 13 millions de dollars la ville ? ».

La routine du film d'action est bien là. Ce cliché que tout parte en fumée pour ça est tellement omniprésent dans le cinéma hollywoodien aujourd'hui et depuis quelques années qu'il fallait bien qu'un cinéaste le clame haut et fort. Pas un film Marvel, DC Comics, un Avengers ou une Planète des singes où la moitié de la ville ne soit détruite. Il y avait de quoi se moquer dans Captain America Civil War que les patrons des Avengers regrettent que les héros ne fassent pas attention à la population et que plusieurs victimes collatérales se vengent.

Danson et Highsmith sont des super flics mais ils sont surtout d'une stupidité à toute épreuve. Quand, tels Iron Man, ils sautent du haut d'un immeuble pensant arriver sains et saufs en bas, le film se débarrasse de ces personnages 1000 fois vus dans n'importe quel autre film d'action. Le but du jeu de The Other guys est justement de trouver ces autres mecs qui vont devenir les héros du film et des spectateurs. A ce petit jeu, deux équipes sont sur les starting-blocks sous l’œil peu amène et désinvolte du patron, le capitaine Gene Mauch (Michael Keaton).

Les premiers prétendants sont les inspecteurs Fosse (Damian Wayans Jr) et Martin (Rob Riggles), déjà partenaires, qui se moquent de l'autre équipe formée par Terry Hoitz (Mark Wahlberg) et Allen Gamble (Will Ferrell). Ce sera à celui qui aura la meilleure affaire. Terry veut de l'action, il pense qu'il le mérite et qu'il est fait pour ça. Allen voit son boulot d'une bien autre manière. Il aime rester derrière son ordinateur à taper des dossiers (et souvent il écrivait ceux de Danson et Highsmith, récompense suprême). Il déteste le terrain.

L'habit fait le moine et la tenue complet veston digne des années 1980 compose la personnalité d'Allen. Il faut ajouter une paire de lunettes grosse comme un paquebot. A côté, Terry fait jeune chien fou, mèche de cheveu rebelle, veste en cuir. Will Ferrell campe son personnage comme un rond de cuir, jamais un mot plus haut que l'autre, dans un ton monocorde qui contraste avec le ton énervé et furieux de Terry. Allen ne s'énerve jamais et Terry est toujours en colère. Le duo comique est complémentaire parce que totalement opposé.

Là où le film devient très fort et surprenant concerne la vie hors du bureau, la vie privée d'Allen. Il réside dans une villa cossue de banlieue chic où il se rend dans sa Ford Prius rouge, pas un bolide pour poursuivre les délinquants. Allen invite Terry à dîner chez lui. Mais Allen est persuadé que son épouse va encore rater le repas et faire des impairs. Quand Terry découvre que l'épouse soumise mais amoureuse est une bombe sexuelle (Eva Mendes), il croit que son collègue a engagé une escort girl et ne peut s'empêcher de mater ses seins.

Chacun va apporter un peu de son univers à l'autre. Terry va apprendre à boire à Allen dans cette fameuse scène au son de Imma Be des Black Eyed Peas en images arrêtées et circulaires. Ils vont pouvoir travailler ensemble mais les méthodes divergent radicalement au début. Allen est maladroit avec son arme et le capitaine Mauch (qu'Allen s'entête à appeler par son prénom, s'attribuant les foudres de son supérieur) décide, en guise de punition, de lui attribuer un revolver en bois, objet qui sera régulièrement perdu et retrouvé par miracle. Ce joujou vaudra les moqueries de Fosse et Martin.

Puisque Terry veut une affaire, Allen l'embringue dans une histoire de permis de construire illégaux. Terry n'est pas motivé par cette enquête peu conforme aux standards des films de flics plus habitués à combattre le terrorisme, le grand banditisme ou les trafics de drogue. De fil en aiguille, en suivant l'homme d'affaires David Ershon (Steve Coogan), l'affaire devient plus intéressante pour Terry. Il faut voir Will Ferrell, droit dans ses bottes, défendre une enquête minable comme si la démocratie du monde libre en dépendait. Il trouve le ton parfait pour ses répliques de mec ringard.

Derrière la parodie du film de flics, qui irait de L'Arme fatale à Die Hard 3 Une journée en enfer, se cache une solide réflexion sur la corruption de la police, sur le lobbying des hommes d'affaires, sur l'affairisme financier à tout crin. The Other guys ne parle rien d'autre que de la crise de 2008, des scandales des capitaux à risques à la Bernard Madoff. Le générique de fin explique avec clarté le système de Ponzi et celui de Goldman Sachs. Dans The Big short, Adam McKay tapera encore plus fort sur la crise des subprimes. Autant dire que c'est un cinéaste précieux.

















1 commentaire:

Jacques Boudinot a dit…

Le film est exactement conforme à ce que tu en dis.
Un jeu de massacre hilarant sur les clichés usés et usant du
cinéma ricain qui vire à des préoccupations autrement plus
importante. Comment faire du très bon cinéma à destination
du plus grand nombre.
À signaler aussi Ricky Bobby roi du circuit, du même
réalisateur,
toujours avec le grand Will , qui mérite largement le détour.