vendredi 10 juin 2016

Match retour (Corneliu Porumboiu, 2014)

Ce soir, l'Euro 2016 commence avec le match France-Roumanie. Match retour, c'est un dialogue entre Corneliu Porumboiu et son père Adrian. Ce dernier a été arbitre de football et ensemble, ils regardent un match de décembre 1988 entre deux équipes roumaines, un match arbitré par Adrian Porumboiu. Adrian avait 38 ans, Corneliu 13 ans. Il neigeait comme on ne peut même pas l'envisager, la télé retransmettait ce derby entre le Dinamo, l'équipe de football de la Securitate, la police secrète roumaine de sinistre réputation (maillot blanc puis bleu) et Steaua, l'équipe de l'armée roumaine (maillot rouge).

On ne verra donc jamais le père et le fils, on ne fera que les entendre commenter ce match diffusé dans son intégralité et sans le son d'origine. Comme je n'y connais pas grand chose en foot, je leur fais confiance sur la qualité du match. Le père affirme qu'il est rapide, de bonne qualité, malgré la difficulté de cette neige qui s’amoncelle sur le terrain masquant les marques sur la pelouse. Adrian se rappelle les souvenirs, notamment que les dirigeants de chaque équipe cherchait à le corrompre, une habitude dans la Roumanie des Ceausescu. Adrian a commencé à se plaindre aux autorités du football, on lui a demandé de se taire.

Le match est filmé avec 3 caméras, remarque Corneliu. Et dès que deux joueurs se chamaillent, se disputent et manquent de se taper dessus, l'axe de la caméra est dévié sur les tribunes « les communistes ne voulaient pas que les comportements antisportifs soient filmés », dit Adrian. Le foot est donc avant tout un soutien à l'idéologie. Le match est filmé en plans larges, la caméra suit le ballon, jaune pour l'occasion, qu'on puisse le distinguer de la neige qui rend les joueurs quasiment invisibles au regard. Le père ne comprend pas que son fils fasse un tel film. Film d'ailleurs qu'on qualifiera difficilement, entre documentaire, expérimental, on ne sait guère.

Corneliu répond à son père une phrase définitive : ce match, ça ressemble à mes films, c'est trop long et il ne se passe rien. En effet, le spectacle est relativement calme. Le père fait deux remarques sur le laxisme dont l'accuse son fils. D'abord qu'être arbitre n'est pas être juge. Il veille au bon déroulement du match. Ensuite, qu'en 1988, les footballeurs ne tombaient pas au moindre geste d'un adversaire. Dans la deuxième mi-temps, une fois toutes les anecdotes racontées, le père devient silencieux, comme s'il n'arrivait plus à se souvenir de quoi que ce soit, comme si la neige de télévision procédait à son travail d'oubli.












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