mardi 3 mai 2016

Mes meilleurs copains (Jean-Marie Poiré, 1989)

Dans une vie passée, Jean-Marie Poiré a été chanteur de rock sous le pseudonyme de Martin Dune. Une partie de ses souvenirs de jeunesse sert de moteur à Mes meilleurs copains. C'est son comparse Christian Clavier qui fait office de narrateur pour présenter ses meilleurs amis. Tous ont prévu d'aller assister au récital de la chanteuse québecoise Bernadette Legranbois (Louise Portal) à l'Olympia. Ils doivent ensuite se rendre tous les cinq dans la grande maison de campagne pour y passer le week-end, sans leurs femmes et enfants.

Christian Clavier est Jean-Michel, dentiste de son état, fiancée à Anne (Marie-Anne Chazel), psychologue qui lui conseille d'enfin coucher avec Bernadette, histoire de mettre fin à des années de fantasme inassouvi. Jean-Michel est emmené au concert par Guido (Jean-Pierre Bacri), publicitaire. Ils doivent retrouver Antoine (Philippe Khorsand), metteur en scène de théâtre, Richard (Gérard Lanvin) qui invite tout le monde dans sa maison de campagne et Dany (Jean-Pierre Darroussin), éternel baba cool jamais revenu des années 1970.

Dans sa narration, Jean-Michel évoque comment il se sont rencontrés. Flash-back en noir et blanc sur les bancs de l'école où, avec Richard et Guido, ils courent observer sur les toits deux profs qui roucoulent en secret. Puis, l'adolescence arrivée, leur premier groupe de musique. La concert et la boum qui s'en suit, où les jeunes découvrent leur corps et ceux de leur copine, ont lieu chez le papa de Jean-Michel (Jacques François) qui vire son fils et tous ses amis. Jean-Michel a la fibre artistique et part faire le théâtreux, adieu la carrière de dentiste prévue par papa.

Petit à petit, tandis que le passé revient à Jean-Michel, le caractère de chaque personnage se précise. C'est dans une librairie qu'il croise Bernadette, femme aux formes plantureuses, qui éveille chez Richard et Jean-Michel une boulimie de lecture. Mais elle est prise. Elle sort avec Antoine, jaloux comme un pou, fournisseur de spectacles d'art vivant joyeusement caricaturés par le cinéaste. La bande va jouer dans une usine une pièce absconse, comme il devait s'en faire des dizaines après mai 68, devant des ouvriers médusés.

Antoine n'est pas seulement jaloux, il est laid, et Richard est beau. Bernadette trompe son mec avec ce dernier. C'est un secret qui durera 18 ans, Richard ne l'avait jamais révélé. C'est lors d'une discussion au cours d'un repas dans sa maison de campagne que tous l'apprennent. Après une soirée bien arrosée, Bernadette s'est disputée avec son manager de mari, Billy Lou Baker (Didier Pain), à la gueule de maquereau. Elle a finalement débarqué dans la grande masure et des révélations sur leur passé commun constituent l'essentiel de l'action.

Le personnage le plus fantasque des Mes meilleurs copains est sans doute Dany. Jean-Pierre Darroussin n'était pas connu en 1989, il avait déjà joué dans les films de Robert Guédiguian, mais ses films restaient confidentiels. Dany est un grand échalas, toujours vêtu en jean, avec des cheveux bouclés qui descendent jusqu'aux épaules. Ce qui fait merveille est son élocution, lente et nonchalante. Rien n'est grave tant qu'il « n'y a pas mort d'homme », pas même de s'être fait volé le camion de Richard qui l'héberge, le nourrit et le blanchit depuis des années.

La petite bande a rencontré Dany dans un de ces festivals de musique sauvages où ils donnaient un concert. Dany est un guitariste hors pair, le seul, avec Bernadette, à avoir du talent, le seul qui aurait pu faire carrière. Dany, comme les autres gars, ignorent que Billy Lou aurait pu en faire un star. Dans le groupe de copains, Dany représente le seul qui n'a jamais rejeté ses idéaux. Antoine est moqué par rapport à son théâtre subventionné, Jean-Michel pour ses velléités d'écrivain qui pioche dans la vie privée des autres et Richard pour sa vie de petit bourgeois.

Tous les renoncements des années 1980 passent par le personnage de Guido. Chanteur médiocre, il a troqué le micro pour une caméra où il met en scène ses fantasmes (incroyable film en 8mm, hilarant). C'est ainsi que la bande se rend compte qu'il est homosexuel. Au fil du temps, il est devenu publicitaire pour Contrex, aujourd'hui il serait un bobo. Mais son personnage est traversé par une sombre mélancolie, par la peur du SIDA (il dit n'avoir pas baisé depuis 1983) qu'il tente de calmer en faisant des longues balades en vélo.

Alors, on le sait, malgré la tendresse, l'ironie, l'humour, Mes meilleurs copains a été un four dans la longue carrière de Jean-Marie Poiré. C'est son film le plus calme, le plus équilibré et, somme toute, le plus varié, le tout dans un montage ad hoc et une direction d'acteurs au diapason du récit. Le cinéaste n'était pas habitué à se prendre des bides, il avait enchaîné les succès publics à défaut de critique. Il ne fera plus jamais de comédie dramatique, comme on dit, et s'engouffrera dans le gros film comique, et je parle bien de gouffre.




















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