samedi 21 mai 2016

L'Etalon (Jean-Pierre Mocky, 1970)

En regardant P'tit Quinquin puis Ma Loute de Bruno Dumont, je ne peux pas m'empêcher de penser à certains films de Jean-Pierre Mocky, et en conséquence de les comparer (en général, Mocky gagne haut la main). C'est surtout à L'Etalon auquel les deux films de « trogne » de Dumont ressemblent. Jean-Pierre Mocky ne filme pas dans le Nord, mais à Cerbère, ville frontalière avec l'Espagne, et il mêle les habitants de la commune à des acteurs vedettes de l'époque et de ses gueules habituelles.

Bourvil, très malade, tourne son troisième film avec Jean-Pierre Mocky. Son cancer oblige le cinéaste à changer sa manière de filmer, il tourne dans l'urgence, caméra portée à l'épaule, presque sur le qui-vive, son scénario où l'acteur incarne, dans un costume blanc sur une chemise noire, chapeau sur son crâne chauve, lunettes dorées, un voyageur qui s'arrête dans la ville. Cheminade est son nom, vétérinaire est son métier. Il est appelé par les clients d'un café pour aider une femme qui s'est jetée du balcon.

Ce sont les vacances, et les vacanciers vaquent à leur loisirs de vacances : jouer à la pétanque, nettoyer la voiture, boire un pastis. Voilà ce que font les hommes. Pointard (Jacques Legras) joue aux boules avec Dubois (Francis Blanche), percepteur de métier qui reproche à son adversaire d'avoir fait des paris. « On veut escroquer le fisc », dit-il avec sa voix pincée qui fait merveille. Pointard, dont l'épaule gauche laisse apparaître son bronzage de pétanquier, lève les yeux mollement. Pendant ce temps, les épouses tricotent.

Ce que remarque Cheminade et qui le pousse à prolonger son séjour à Cerbère, c'est que les femmes s'ennuient, surtout sexuellement. Quand le chanteur de rue Lionel fredonne avec sa guitare « Amour, tambour, toujours, toujours, le troubadour aime l'amour » (une chanson écrite par François de Roubaix), toutes les femmes succombent à son charme. Cheminade propose à l'épouse de Pointard d'aller retrouver Lionel pour passer quelques moments complices. Mais les deux maris ne l'entendent pas de cette oreille.

Ils appellent à la rescousse le commissaire Both (Michel Londasle). C'est parti pour une chasse à l'homme qui consiste à empêcher Cheminade d'aider les femmes délaissées, « mariées mais fidèles ». Quand Dubois et Both l'accusent de créer des relations adultérines, Cheminade affirme au contraire que cela permettra de redonner de l'engouement au couple : en effet, la femme sera satisfaite et pourra se consacrer toute entière à son mariage, donc à son époux. Cheminade juge tout cela d'une extrême moralité et il n'en faut pas plus pour lancer son affaire.

Quand Jean-Pierre Mocky tourne son film en 1969, un an tout pile après mai 68, c'est un constat d'échec qu'il établit. Dans la France moyenne, rien n'a changé, les femmes sont toujours dominées par les hommes. Sur ce point, les répliques du film débitées par les personnages, ne font pas de doute sur le jugement sévère que porte Mocky sur la France de De Gaulle et Pompidou. Ces répliques, ce sont celles que sortaient à l'époque les politiques, et que l'on retrouve dans la séquence finale à l'Assemblée Nationale.

Pour mener à bien son projet de trouver des suppléants aux maris, Cheminade s'entoure de toute une brochette de personnages divers. Un docteur barbu, un chauffeur qui tire sur son vieux mégot, une infirmière qui teste les futurs étalons, et Jean-Claude Rémoleux en député muet qui cultive des fleurs dans son jardin. Et Both et Dubois se déguisent en rombières pour piéger le bienfaiteur. Il devra déplacer son centre, d'une vieille cabane aux cabines de plage en passant l'aquarium municipal avec un sens du comique qui fait mouche encore aujourd'hui.


















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