mercredi 27 avril 2016

Théo & Hugo dans le même bateau (Olivier Ducastel & Jacques Martineau, 2016)

Les risques que la pseudo association « Promouvoir », liberticide et infantilisante, demande l'interdiction aux moins de 18 ans de Théo & Hugo dans le même bateau sont réelles. Tout simplement à cause de sa première séquence d'une bon gros quart d'heure où les deux garçons se rencontrent. Cette ouverture se déroule dans un sexclub nommé L'Impact (vers Rambuteau). On descend l'escalier qui mène au sous-sol, là dans une lumière rouge vif, une dizaine de gars baisent. Tous sont nus, tous sont en érection.

Théo (Geoffrey Coët) a un partenaire, tout comme Hugo (François Nimbot). Ils ne se connaissent pas, ils se voient pour la première fois et le regard de Théo se porte inlassablement sur Hugo, il le toise, cherche à attirer sa fascination sur lui. Il y parvient tandis qu'ils se font baiser par d'autres gars, ils se rapprochent, commencent à s'embrasser et décident de baiser ensemble. Ils s'allongent sur le lit rouge au milieu de la pièce, Théo enfile une capote et Hugo, tandis que la lumière alterne le rouge et le bleu au rythme des mouvements du bassin.

La scène n'impressionne pas seulement parce que c'est la première fois dans un film hors porno qu'on pénètre dans un sexclub et dans une backroom. Elle frappe par sa grande pudeur, sa douceur intime et son romantisme qui irradient les deux visages du petit bouclé au torse poilu et du grand brun imberbe. La dernière fois qu'un jeu de regard avait été aussi précisément décrit, avec autant de justesse, c'était ceux de Louis Garrel et Gaspard Ulliel dans le subtil travelling de Saint Laurent de Bertrand Bonello. Les bites en érection en moins.

Seulement voilà, après ce moment aussi intense, aussi mémorable et aussi réussi, Jacques Martineau et Olivier Ducastel semblent avoir tout donné. Que peuvent-ils bien proposer ? Le titre l'expose assez bien. C'est d'abord un hommage à Agnès Varda, à Cléo de 5 à 7, le film des deux cinéastes se déroule en temps réel de 5 à 7 heures du matin. C'est aussi une variation déambulatoire qui évoque Jacques Rivette et Céline et Julie vont en bateau. Le décor est Paris au tout petit matin et ses rues vides que les deux garçons vont visiter le sourire aux lèvres.

Les deux hommes quittent ensemble le club. Ils se rhabillent et se présentent enfin. Ils vont rentrer chez eux en louant un vélib. Sur leur vélo, ils discutent quand tout à coup, au détour d'une banalité, le sourire d'Hugo se fige quand Théo lui annonce qu'il croit que son préservatif a craqué. Et là c'est le drame, comme dirait l'autre, car Hugo est séropositif. Les dialogues prennent alors les atours d'une brochure de Sida Info service, ce qui n'est pas un reproche en soi, ces conseils sont nécessaires et vitaux, mais leur intégration dans les dialogues sonnent faux.

Les deux amoureux, car ils le sont, le film le transpire à chaque plan, poursuivent leur chemin. Les reproches haineux de l'un comme de l'autre alternent avec les gestes de tendresse. Ils filent à l'hôpital, rencontrent un vieux râleur homophobe puis une interne épatante. Ils s'arrêtent dans un parc pour se dire leurs quatre vérités. Ils vont manger un kébab chez un Syrien exilé puis discutent avec une dame qui prend le premier métro pour aller travailler. Leur univers commence à se peupler, ils ne sont plus seuls au monde, ils vont encore s'aimer éperdument.

Une source sûre m'informe que les rôles de Théo et Hugo avaient été proposés à Vincent Dedienne (humoriste et chroniqueur sur France Inter) et à son compagnon.

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