vendredi 29 avril 2016

Palombella rossa (Nanni Moretti, 1989)

Palombella rossa était le seul film de Nanni Moretti a ne pas avoir été édité en DVD. C'est désormais chose faite, mais à quel prix. L'absence de bonus n'est pas en soi un problème, mais l'image est minuscule (elle est formatée pour télé cathodique) et pas nettoyée et sûrement pas remastérisée. On distingue souvent ces poussières typiques des projections en pellicule en bas du cadre. Le film est livré dans son jus, comme à l'époque des premiers DVD où les films étaient simplement scannés sans étalonnage vidéo. Cela peut avoir son charme.

Dans ces années 1980, Nanni Moretti s'est donc intéressé au cinéma (Sogni d'oro), à l'éducation nationale (Bianca) et à l'église catholique (La Messe est finie). Dans Palombella rossa, Nanni Moretti est une nouvelle fois Michele, un député. Un député du PCI qui clame à très haute voix « je suis communiste ». Un député communiste qui joue au water polo. Et qui a perdu une partie de sa mémoire dans un ridicule accident de voiture parce qu'il s'amusait à faire des grimaces à des enfants qu'il voyait à l'arrière de l'auto devant lui.

Michele a visiblement oublié qu'il a un match de water polo à son agenda. Un match de final, très important pour son entraîneur surexcité par cet événement. Le coach (Silvio Orlando) prodigue ses derniers conseils aux joueurs. Michele, hébété, s'endort sur le genou d'un camarade dans le car, reste hiératique au bord de la piscine une fois les tenues revêtues (un maillot de bain blanc et un bonnet bleu, Michele a le numéro 5). Il est absent à lui-même, comme aux autres, il ne se rappelle plus ce qu'il fait là, s'il pourra jouer le match.

Je ne connais pas les règles du water polo, que Nanni Moretti ne prenne pas la peine de les expliquer n'empêche pas de ménager un suspense certain sur l'issue du match et sur le joueur de l'équipe adverse (un hongrois bien bâti, Imre Budavari) qu'il faut surveiller. La durée du match est celle du film. Le point d'orgue est l'éventuelle égalisation avec un penalty qui n'en finit pas d'être étiré, au rythme des hésitations de l'arbitre, visiblement favorable à l'équipe adverse, à siffler le début de l'action.

Les gradins de la piscine où a lieu ce match sont, en début de film, clairsemés. Le public est peu nombreux. On compte plus de joueurs que de spectateurs. Tandis que le match se joue, de plus en plus de monde peuple ces gradins jusqu'à ce qu'ils soient totalement remplis, comme si le water polo était aussi populaire qu'un match de foot. Les supporters s'expriment de plus en plus, prennent à partie l'arbitre, tout comme le coach viré du bord de la piscine, et chantent en chœur avec Michele une chanson lors de la séquence finale.

Pendant les hors jeux, Michele se fait alpaguer par des gens qui apparaissent et disparaissent par enchantement. Deux communistes lui offrent des gâteaux, un catholique (et Raoul Ruiz) viennent lui demander de venir à l'église, un barbu l'engueule, un vieil ami discute avec une journaliste venu interviewer Michele, et la fille de ce dernier, Valentina (Asia Argento) fait ses devoirs au bord de la piscine. Tous ces personnages sont des figures du passé de Michele, des fantômes de sa mémoire défaillante qui viennent le harceler.

Ce passé passe aussi par des flash-backs où Michele, enfant, fait ses premiers pas à la piscine avec sa maman. Ce passé, ce sont ces extraits en 8mm avec un Moretti tout jeune mais avec sa voix actuelle, portant une simple moustache. Ce passé, c'est la diffusion à la télé de Docteur Jivago où chacun attend avec angoisse le finale en espérant que Julie Christie va enfin se retourner et voir Omar Sharif. Le suspense est à son comble, tout autant que le résultat du match de water polo. Tous les spectateurs du match se tournent alors vers la télévision.

Palombella rossa est sorti deux mois avant la chute du mur de Berlin. Nanni Moretti ne pouvait pas la prévoir, il n'est pas prophète, mais cet extrait final de Docteur Jivago (qui se situe peu après la Révolution d'Octobre), tout comme les questions de l'émission politique de la télé (pour laquelle il voue toujours la même haine) auxquelles il répond, les reproches de ses camarades communistes, esquissent une histoire du communisme, très partielle, très raccourcie mais qui ne serait remplie que de déceptions et de rendez-vous manqués.



















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