jeudi 21 avril 2016

Les Malheurs de Sophie (Christophe Honoré, 2016)

Je considère que la meilleure adaptation des Malheurs de Sophie de la Comtesse de Ségur née Rostopchine a été faite par Gotlib et Alexis dans Cinémastock (Editions Dargaud, 1975). Terriblement hilarant, le premier signait les dialogues de la bédé avec son sens inné de reconfigurer des répliques surannées, le second au dessin. La cruauté des châtiments que subissaient l'enfant à chacune des ses bêtises, toutes plus invraisemblablement anachroniques les unes que les autres (elle déclenchait la guerre nucléaire), ne faisaient qu'augmenter . Chaque gag était ainsi conclu par « ce fût une bonne leçon pour Sophie et à partir de ce jour sa mère ne fût plus colère. »

L'ambition de Christophe Honoré n'est pas d'aller sur le terrain d'Alexis et Gotlib, mais ce qui frappe dès les premières minutes des Malheurs de Sophie, c'est tout simplement le choix du format de projection (1:37), un carré comme pour rappeler les temps anciens, une lumière sobre et une caméra portée à l'épaule, ce qui s'avère plus facile pour suivre les déambulations dans le château des Réan de Sophie (Caroline Grant). Le film est scindé en deux parties et chacune est commentée, face caméra, par deux personnages. D'abord le domestique Baptistin (Jean-Charles Clichet) à l'air abattu devant les bêtises de l'enfant puis par Madame de Fleurville (Anaïs Demoustiers), la tante de Sophie.

Par ces procédés tout simples, Christophe Honoré peut laisser libre cours à sa fantaisie. Les animaux (écureuil ou hérissons) seront en animation (conçue par Benjamin Renner), inclure une chanson au milieu du récit (toujours la musique d'Alex Beaupain) suivant la formule entamée par Sofia Coppola dans Marie-Antoinette, faire vivre deux tableaux sur le mur pour évoquer le voyage des Réan en Amérique et leur navire échoué. Si la première partie où Sophie vit avec sa maman (Golshifteh Farahani) est printanière, enjouée et solaire, la deuxième avec sa belle-mère (Muriel Robin) est hivernale et sombre.

Le fil conducteur du récit est une poupée offerte par ce père absent, dont on ne verra jamais le visage, ombre chinoise, simple silhouette. Les hommes, sauf Baptistin puis Joseph (David Prat) les deux domestiques – personnages lumineux, sont absents du film. Ce sont les femmes qui dirigent les châteaux, qui élèvent les enfants. Madame de Réan reçoit des conseils bien étranges du curé (Michel Faux), mais ce dernier est montré comme un imbécile, un incapable, une créature chimérique. Une belle occasion de se moquer de ce corbeau de mauvaise augure, comme de la pédanterie de cette aristocratie cacochyme.

Les maîtresses de maison sont souffrantes dans Les Malheurs de Sophie. Madame de Réan est fatiguée des facéties de sa fille, de l'abandon de son mari, de ce départ pour l'Amérique. Elle en perdra la voix et le sourire. La belle-mère est tout simplement folle à lier (mais Muriel Robin rend hilarant cette Folcoche du 19ème siècle). Madame de Rosbourg (Marlène Saldana) a eu un accident de calèche devant la demeure des Fleurville, cette dernière l'accueillera, ainsi que sa fille, observant en silence les malheurs de Sophie.

Le film est propose suffisamment de péripéties pour plaire aussi aux enfants, mais on est très loin du tout venant du divertissement habituel produit par Gaumont. Les gamines qui jouent dans le film débitent sur un ton étrange les répliques, sans naturalisme, ni d'effets de mode. Dans le générique final, chaque interprète se présente au public de manière charmante. Maintenant, j'aimerais bien pouvoir regarder ce que Jean-Claude Brialy avait pu faire en adaptant certains récits de la Comtesse de Ségur.

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