mardi 26 avril 2016

Joe Hill (Bo Widerberg, 1971)

La Statue de la Liberté accueille les migrants de tous les pays en cette année 1902. Parmi eux, les frères Hillström, Joseph (Thommy Berggren) et Paul (Hasse Persson), surnommé Paulie par le premier. La vie n'est pas facile, surtout quand on ne parle pas un mot d'anglais et que personne ne comprend le suédois. Paul a trouvé un petit boulot dans le New Jersey, et Joe vit pour l'instant de petits expédiant qui peuvent lui permettre de survivre dans la grande ville grouillante, remplie de clochards et de gens riches qui ne se côtoient jamais. Mais ça ne l'empêche pas d'envoyer à sa maman restée en Suède des bonnes nouvelles.

Joseph se fait vite surnommé Joe par un gamin pour lequel il s'est pris de sympathie. Et réciproquement. Débrouillard comme tout, le « Renard » (Kelvin Malave), tel est son surnom, vole tout ce qu'il peut pour manger. Une fourrure à une dame, des cuillers en argent, des poissons sur le port de New York. Le Renard vit avec sa maman et son petit frère souffreteux. Ils seront expulsés de leur pauvre logement. Première révélation pour Joe de l'injustice sociale. Mais pour l'instant, il rêve à une belle vie. Il colle son oreille à la porte de la sortie des artistes de l'opéra et écoute les airs et il rencontre une belle italienne (Anja Schmidt) qui pratique la même passion.

Rien ne retient vraiment Joe Hill à New York. Avec sa petite valise, portant son nœud papillon et sa plus belle veste, il décide de retrouver son frère Paulie. Il l'appelle en hurlant sur les collines. Il ne le reverra jamais mais rencontre un hobo, un vagabond surnommé Blackie (Evert Anderson) qui se moque de sa valise, bien impraticable pour un vagabond et la troque contre un baluchon bien plus commode pour grimper dans les trains. Joe et Blackie commencent leur périple ensemble. Joe Hill se lance dans un road movie où son personnage fera des haltes au gré des rencontres.

La découverte de la justice et de la lutte contre les patrons se fait au détour d'un train où toute une ribambelle de gars portant un foulard aux couleurs d'un nouveau syndicat sort d'un train. Leur leader explique qu'ils doivent vite filer par peur de se faire embarquer par la police. Joe et Blackie qui traversent le continent depuis de longs mois ne sont que deux simples baroudeurs, mais pour Joe cette rencontre va bouleverser sa vie. Au village, les activistes haranguent la foule sous les insultes des bigots et les matraques des policiers. Joe lit les tracts du syndicat (le IWW, Industrial Workers of the World) mais poursuit son périple.

Il s'arrête dans une ferme de Californie pour voler des œufs, se fait surprendre par Cathy (Cathy Smith) la fille du fermier mais il réussit à la convaincre de s'installer, pour l'aider à la ferme, d'autant que le papa est malade. Blackie fuit la vie sédentaire. Joe Hill restera un certain temps le compagnon de la fermière jusqu'à ce que ses démons reprennent le dessus. Et par démons, j'entends cette soif de justice à laquelle il a simplement goûté lors de sa rencontre avec les syndicalistes. La fermière le vire sans ménagement, jetant les tracts et les maigres affaires de Joe qui reprend la route.

Jusqu'à présent, Bo Widerberg soufflait le chaud et le froid, alternant des moments légers avec d'autres plus graves. Désormais seul, Joe Hill va se consacrer tout entier au syndicat. Le film ne cesse alors de montrer avec froideur et justesse les terribles conditions des ouvriers. La mine, la construction des chemins de fer, les restaurants. Chaque fois, les contremaîtres traitent plus bas que terre les ouvriers, les font marner 12 heures par jour, les assoiffent en leur vendant leur limonade. Chaque fois, Joe Hill s'élève contre les patrons et les flics à leur solde. S'il ne peut pas parler en place publique, Joe Hill chantera sur l'air de Armée du Salut, défiant le pouvoir corrompu.

Joe Hill est tiré de l'histoire vraie de son personnage éponyme. Le héros du syndicalisme a inspiré une chanson à Joan Baez qui ouvre le film. Son destin sera funeste. Il sera accusé par le ministère de la justice de l'Utah d'un double meurtre. La dernière partie du film est consacrée à son procès à charge, chacun – patrons, bourgeois, police – voulant sa mort. Il sera donc condamné à mort. Les dernières séquences le montrent en prison, dessinant sur le plancher une carte des Etats-Unis et les lieux où il s'est rendu, autant d'endroits où il a égrainé sa colère. Ses chansons protestataires, son aura auprès du syndicat IWW (qui existe toujours) auront survécu à son exécution par les armes le 15 novembre 1915.
















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