samedi 16 avril 2016

Elvira Madigan (Bo Widerberg, 1966)

C'est une histoire vraie qui a fait couler beaucoup d'encre en 1889 (des articles de journaux sont introduits dans le film), une romance qui a inspiré plusieurs films, une chanson connue de tous les Scandinaves, les éditeurs de musique ont renommé « Elvira Madigan » le morceau de Mozart qui scande de nombreuses scènes. Ce scandale amoureux qui choqua la puritaine Suède est tout autant l'adultère que le fait que les deux amants venaient de classe différente. Hedvig Jensen (Pia Degemark) est une artiste de cirque sous le nom d'Elvira Madigan. Une profession de saltimbanques largement condamnée par l'Eglise protestante. Son amant est le comte Sixten Sparre (Thommy Berggren), officier de l'armée de Suède qui porte fièrement l'uniforme ampoulé de son corps de cavalerie.

Ils fuient la Suède où ils se sont rencontrés lors d'une représentation du cirque. Monsieur Loyal s'aperçoit qu'Elvira n'est plus là, elle l'attraction centrale avec son numéro de funambule. Dans le même temps, les officiers supérieurs constatent le manque à l'appel de Sixten. Ils batifolent dans la campagne danoise, loin du tumulte qu'ils vont provoquer. Les 25 premières minutes d'Elvira Madigan décrivent le calme des deux amoureux. Au milieu des herbes folles, des fleurs du printemps, sous le soleil enchanteur. Sixten décide de raser sa barbe, d'enlever les boutons dorés de son uniforme pour les troquer contre ceux de la veste d'un épouvantail. Il passera ainsi inaperçu. Hedvig sourit que son amant l'appelle par son vrai prénom et non par son prénom d'artiste, elle a l'impression de vivre pour la première fois.

Parce qu'ils ne vont pas se nourrir d'amour et d'eau fraîche, Sixten et Hedvig font escale dans une auberge du littoral. Sixten a de l'argent pour vivre avec aise. Ils donnent des faux noms. Sixten range la Bible au fond d'un tiroir. La gouvernante Cleo (Cleo Jensen), solide bonne femme les accueille avec un grand sourire. Quand elle n'est pas en cuisine ou au ménage, elle tricote. Elle apprend à Hedvig à tricoter. Elle fait un pull pour les mauvais temps. Elle emprunte la corde à linge pour la tendre entre deux arbres et pratiquer son art de funambule. Mais le scandale est tel que même les journaux du Danemark annoncent leur fuite. Sixten lit les articles à Hedvig. Ils doivent fuir l'auberge, au petit matin, avec la complicité de Cleo qui les a pris en sympathie.

Loin des lieux peuplés, Sixten, aristocrate qui n'a jamais rien fait de ses mains, tente de pécher un poisson dans un lac. Il faut bien manger. De loin, un militaire les observe. C'est Kristoffer (Lennart Malmer) aussi blond que Sixten est brun. Bo Widerberg change pour sa deuxième partie le ton du film. Il met hors champ Hedvig tandis que les deux hommes se retrouvent. Certes Kristoffer évoque la difficile vie de l'épouse de Sixten, abandonnée en Suède avec leur deux enfants, mais la complicité des deux officiers laisse planer un doute sur leur relation réelle. Kristoffer offre sa veste à Sixten qu'il porte torse nu, ils jouent au cow-boy et à l'Indien, ils se regarde intensément tous les deux dans les yeux. Kristoffer cherche à séparer Sixten d'Elvira, à le faire revenir en Suède. Sixten comprend la manigance et la fuite recommence.

La troisième et dernière partie se lance dans le plus grand mélodrame. Le soleil a disparu, les bons repas au restaurant sont derrière eux, ils doivent se nourrir de baies et de champignons. Hedvig en vomira. Ils doivent vendre leurs effets personnels pour s'acheter des framboises et de la crème qu'ils dévoreront goulûment. Hedvig accepte de faire un spectacle de charme pour ramener de l'argent. Sixten s'en offusque, ajoute de la colère à la tension. Filmé constamment dans le même cadre au début du film, ils sont désormais séparés par les éléments, une rivière, l'horizon crépusculaire, une fenêtre. Tous les signes de leur destin funeste sont déclinés, même la visite d'une diseuse de bonne aventure qui tire deux fois des cartes de mauvaise augure ne peut plus rien pour sauver du sort fatal qui les attend.



















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