jeudi 3 mars 2016

Saint Amour (Benoît Delépine & Gustave Kervern, 2016)

Contrairement à Aaltra et Louise-Michel, autres road movies du duo Delépine Kervern, les personnages de Saint Amour ne font pas des milliers de kilomètres pour aller botter le cul des méchants capitalistes qui leur ont causé des soucis. Jean (Gérard Depardieu) et Bruno (Benoît Poelvoorde) sont deux paysans morvandeaux montés au salon de l'agriculture pour présenter à un concours Nabuchodonosor, leur bœuf de 1600 kilos. Plutôt que de rester coincés là toute la semaine, plutôt que laisser son fils se soûler la gueule dans le salon, Jean décide de l'emmener faire la route des régions vinicoles : Bourgogne, Jura, Côtes du Rhône, Languedoc et Bordeaux. Ouf, en voilà un parcours ! Qu'ils effectuent en taxi, conduits par un Mike (Vincent Lacoste), que le père et le fils vont s'évertuer à appeler Mick, oui, quelle horreur, un prénom américain, quelle honte cette nouvelle génération pas capable de donner des vrais prénoms français à leurs enfants.

Le film aurait pu conter le trajet de 3 Pieds Nickelés, le road movie de Dumb Dumber and Dumberer, le France tour détour de notre temps. Mais le nombre de producteurs, d'investisseurs et de régions/conseils départementaux est devenu trop important pour dire quoi que ce soit sur le vin, le vignoble et son commerce (et pourtant le film commence dans une foire). Saint Amour n'est pas un film de Jonathan Nossiter, ni non plus Premiers crus, qu'on se rassure. Saint Amour est uniquement une ode gentille et agréable au vin. Pour comprendre à quoi ressemble le film, il faut imaginer un remake des Valseuses où la douceur de Gérard Depardieu se substitue à sa violence et sa verve d'il y a 40 ans. On pourrait dire que c'est le même personnage que dans le film de Bertrand Blier, mais désormais papa complaisant et revenu de tout. Son fils est lui bourré de tics (la main qui rabat ses cheveux gras), puceau jusqu'à l'os et incapable de parler à une femme.

La poésie déglinguée des dialogues que déploient Benoît Delépine et Gustave Kervern n'est pas non plus sans rappeler celle des meilleurs Blier. La petite serveuse du restaurant qui cause du 3% de déficit en petite culotte dans sa chambre sous le regard éperdu de Depardieu est l'exemple parfait de ce que cherche à trouver le duo. A la fois un discours sur notre époque, un décalage esthétique (ici la belle et la bête) et une pointe d'humour surréaliste. Saint Amour est une succession de rencontres avec une distribution d'actrices qui viennent de tous les horizons du cinéma français, Ovidie (le porno), Andréa Ferréol (le clin d’œil à Marco Ferreri), Céline Sallette (le nouveau réalisme français), entre autres. Certains sketches sont très bien tournés, franchement rigolos (le terme qui convient le mieux) d'autant plus qu'ils sont courts. Dès la rencontre avec Vénus (Céline Sallette), le film cherche une issue rédemptrice à ses trois hommes non réconciliés avec le monde. Et le film la trouve cette issue bouclant tout avec un happy end digne d'un conte de fées version vin de table.

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