vendredi 4 mars 2016

Black book (Paul Verhoeven, 2006)

Pour son retour aux Pays-Bas, six ans après son dernier film hollywoodien, 25 ans après son dernier film néerlandais, Paul Verhoeven s'attaque à un sujet casse-gueule, la résistance et la collaboration, comme il le faisait déjà dans Soldier of Orange. Il écrit le livre noir de la fin de la guerre, d'octobre 1944 à mai 1945, date de la reddition des Allemands, six courts mois qui deviennent pour Rachel Stein (Carice van Houten) les plus terribles de toute sa vie.

Pour faire taire toute idée de suspense scabreux (la jeune femme juive va-t-elle finir dans un camp d'extermination ?), Black book commence douze ans plus tard, en Israël où Rachel s'est désormais installée dans un kibboutz (en 1956, c'était des fermes socialistes et collectives). Des touristes visitent cette ferme, parmi eux Ronnie (Halina Reijn) qu'elle a connu à La Haye en 1945. Elle commence à se rappeler tout ce passé que Ronnie fait surgir avec violence. Cela lance le flash-back.

Tout va très vite, Paul Verhoeven enchaîne les informations, les personnages et les événements avant de plonger Rachel au milieu des résistants. Octobre 1944, Rachel est cachée chez des catholiques, elle est une ancienne chanteuse de cabaret, elle plaît beaucoup aux hommes, elle ignore où se trouve ses parents et son frère. Mais jusque là, sa vie est simple. Un bombardement va tout changer. La ferme où elle était cachée est détruite, la Gestapo a découvert sa cachette.

Elle quitte la campagne pour rejoindre la ville, elle veut fuir les Pays-Bas et retrouve un avocat, ami de son père et qui va aider Rachel. Cet avocat note tout sur un carnet noir. La fuite s'organise, un embarquement sur un bateau au milieu de nulle part se prépare. Miracle, elle retrouve ses parents Horreur, des nazis arrivent, les mitraillettes crépitent, tous les passagers est abattu comme des chiens. Sauf Rachel qui observe un officier s'emparer des bijoux et de l'argent des passagers.

Cette scène où la mort surgit, où Rachel est touchée à la tête par une balle, est la scène matrice de Black Book. Rachel semble mourir sous les yeux de Günther Franken (Waldemar Kobus), cet hideux officier allemand filmé en gros plan, avec son sourire de traviole, sa joue traversée d'une cicatrice. Black book est l'histoire des rapports entre Rachel et Franken, entre la Belle et la Bête. C'est l'histoire de la vengeance de Rachel.

Rachel va renaître et s'appeler désormais Ellis de Vries. Telle une créature digne de Nosferatu, sa résurrection se produit grâce à un cercueil. Deux croque-morts (dont Matthias Schoenhardt, tout maigrichon dans un de ses premiers rôles) emmène son corps en ville. Puisqu'elle n'a pas d'Ausweis, elle est cachée et maquillée comme un cadavre atteint du typhus. La mort encore une fois entoure Rachel, elle reviendra souvent lui rendre visite.

Voilà l'idée de Paul Verhoeven, faire de Ellis de Vries un ange de la mort, annonciateur des pires malheurs. Ainsi ces deux faux croque-morts qui l'ont fait traversé le passage, seront torturés à mort dans les caves de la Gestapo. Le petit Matthias Schoendhardt, ensanglanté, qui s'approche d'elle quand elle fait des photocopies de la liste des otages qui seront exécutés en représailles. Il est à côté d'elle, elle ne peut rien dire, rien faire.

Ellis de Vries devient la putain de la Gestapo. C'est ainsi que Kuipers (Derek de Lint), chef d'un réseau de résistance, imagine son rôle pour piéger les officiers. Elle se teindra les cheveux en blond pour masquer sa judéité et séduire Ludwig Müntze (Sebastian Koch), chef de la police allemande de La Haye. Le séduire avec des timbres rares de la Reine des Pays-Bas. Müntze est collectionneur et a déjà rencontrée, « par hasard » Ellis dans un train.

Comme dit plus haut, la fin de la guerre est proche. Chacun pour soi. Ronnie, vue en début de film, est la secrétaire de Franken avec qui elle entretient une liaison. Ellis découvre que l'assassin de ses parents est là. Et qu'elle va devoir travailler avec lui. Ellis a aussi été engagée pour sa voix, elle chante et Franken l'accompagne au piano. La scène où il vient fredonner dans le micro à sa droite, Ellis devant garder son sourire, est l'une des plus troublantes.

Puisqu'on sait que Rachel / Ellis survit à la guerre, puisqu'on sait qu'elle est un ange de la mort, Paul Verhoeven place son suspense moins la découverte qu'elle espionne les nazis que sur le nom du traître qui balance les noms des résistants à Franken et sur les raisons de la traîtrise. Tout est dans ce carnet noir de l'avocat. Le cinéaste est sur un fil tendu, funambule de l'histoire complexe de son pays, pour parvenir in extremis à ne pas renvoyer dos à dos les collabos, les résistants et ceux qui vont épurer les Pays-Bas.

















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