samedi 23 janvier 2016

Persona (Ingmar Bergman, 1966), 1/2

J'ai toujours été fasciné par les six premières minutes de Persona. Une séquence d'ouverture composée de plan multiples parfois très courts (la verge en érection, les amorces de la bobine qui se lance, le moine qui s'immole à Hanoï). Ces plans si courts dans un film en 35mm où chaque seconde comporte vingt-quatre images n'excèdent pour certains dix images par seconde, ils apparaissent de façon subliminale à l’œil, une excitation pour l'esprit. J'ai récemment revu Persona dans une salle de cinéma, projeté en DCP, certes on retrouvait les images, mais ce format écrase les images minuscules et fugaces, elles sont presque anéanties par le scannage du film.

Ingmar Bergman, qui était très malade pendant l'écriture du scénario puis pendant son tournage, considère cette ouverture comme un poème, à la fois détaché du reste de l'action, où Liv Ullmann et Bibi Anderson s'affrontent, et totalement en raccord avec elle. Au fil des images : un carré blanc au milieu d'un noir total, puis un autre plus petit qui s'agrandit, c'est la lampe du projecteur qui se met en marche et qui va déverser son flot d'images. Ce projecteur était celui de Bergman. Le Start de la bobine, le décompte de l'amorce puis, ce sexe subliminal. Un blanc, un noir, la bobine se lance au sens propre et enfin, ce qui se trouve dans la pellicule, un dessin animé pour enfants dont l'image se bloque.

Deux mains qui se touchent et se frôlent, celles des deux actrices. Un film incunable projeté en 8mm, un squelette qui sort d'une malle et effraye un homme. Les plans se rallongent. Dans un halo blanc, une araignée velue, un agneau sacrifié puis ses viscères, un clou planté dans une paume de main. Des images de mort mêlées à celle de religion, les deux obsessions du moment d'Ingmar Bergman. Les plans suivants, selon le cinéaste dans un livre d'entretien (Le cinéma selon Bergman, 1970, éditions Seghers) évoquent son séjour à l'hôpital, un mur, les quatre arbres qu'ils voyaient de sa fenêtre. Puis, des corps, des visages en gros plans, de personnes que l'on imagine décédée.

C'est ainsi que la transition peut se faire avec cet enfant allongé qui semble recouvert d'un linceul. On l'imagine mort et il va remuer la tête, regarder le spectateur qui l'observe. L'enfant chausse ses lunettes, se met à lire un livre, puis fixe à nouveau l'objectif. Toujours torse nu, avec un pantalon de pyjama blanc, il se lève et effleure les images floues puis nettes d'Elisabet (Liv Ullmann), sa mère, images qui se confondent avec celles d'Alma (Bibi Anderson). La musique, relativement atonale, lance le générique, cartons très rapides entrecoupés de plans tout aussi fugaces issus du film qui va arriver et de ce moine qui s'immole.


























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