jeudi 21 janvier 2016

La Main du diable (Maurice Tourneur, 1943)

Qui donc est cet homme qui débarque comme un beau diable dans cette auberge des montagnes du Dauphiné ? L'homme peu aimable porte sous son bras une boite enrobée de papier, il répond « ça vous regarde ? » à chaque phrase et il a le regard fuyant. Quand les plombs sautent (une habitude en ces temps de guerre), c'est la panique dans l'hôtel, les clients accusent cet homme surgi de nulle part, à qui il manque la main gauche, d'avoir causer la panne d'électricité et, qui sait, d'être l'homme que recherche les gendarmes. Et quand la lumière revient, la boite a disparu et l'homme doit s'expliquer. Flash-back.

Pierre Fresnay interprète cet homme qui s'appelle Roland. Peintre de Montmartre, c'est-à-dire qu'il n'a jamais fait que des croûtes qu'il a du mal à vendre, Roland a également bien du mal à payer ses repas. Un restaurateur italien, Mélisse (Noël Roquevert) propose de lui vendre une main, qui se trouve dans la boîte. La main gauche permet de tout faire, d'avoir du succès, du talent et de l'assurance. Roland, qui n'a rien de cela, croit à une blague, d'autant que Mélisse ne demande qu'un sou pour l'achat de la main. Une broutille. Roland, prévenu par l'aubergiste que cette main vient du diable, l'achète quand même.

La réussite ne se fait pas attendre. Les tableaux de Roland font l'objet d'une exposition qui passionne les critiques d'art. Ses nouvelles toiles ne représentent plus des légumes mais des immenses châteaux lugubres où une ombre flotte. La belle Irène (Josseline Gaël), qu'il avait rencontrée dans une ganterie, devient sa fiancée. L'argent qui manquait tant coule désormais à flot. Roland a la conscience tranquille jusqu'à l'arrivée d'un petit bonhomme au chapeau rond et à la sacoche sous le bras qui vient lui rappeler le contrat.

Cet homme à l'aspect de fonctionnaire besogneux, c'est le diable en personne. La métaphore que Maurice Tourneur et son scénariste Jean-Paul le Chasnois filent est celle de la collaboration. Faire des affaires pendant la guerre avec l'ennemi, c'est vendre son âme au diable. Ce petit fonctionnaire au sourire faux, c'est le Diable et l'occupant allemand. Le petit homme compte consciencieusement la dette de Roland. Ce dernier, insouciant et inconséquent, va être rattrapé par ses actes. Il ne sera plus lui-même, tout le monde s'enfuira sur son chemin, y compris son fidèle chien.

Ce qui frappe dans La Main du diable, c'est son ton guilleret dès que le flash-back commence. Le film a de beaux moments comiques et des répliques qui font mouche (la description des premiers tableaux de Roland est savoureuse). Pour Maurice Tourneur, habitué aux comique troupier, il ne s'agit pas de faire un film d'épouvante mais une fable sur la vertu et sur la dictature des nouvelles lois. Puis, le ton se fait de plus en plus mélancolique et sinistre. Le diable a des aspects bien courtois, non pas de grandes griffes, et sa victime, un homme bien prétentieux, mérite presque son sort.












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