lundi 21 décembre 2015

La Grande extase du sculpteur sur bois Steiner (Werner Herzog, 1974)

Durant l'hiver 1972, Werner Herzog filme Walter Steiner. Le jeune Suisse alémanique, à l'accent à couper au couteau et aux R qui roulent, est un champion de saut à ski. Ce grand et filiforme montagnard de 21 ans est aussi sculpteur sur bois, mais son métier n'intéresse guère le cinéaste. Ce qui le passionne ce sont ces sauts à ski qu'il pratique sans casque et sans peur. Il s'occupe de ses skis de 2,50 mètres de long avec un soin tout particulier (c'était l'époque où les coachs n'avaient pas encore pris le pouvoir), les bichonnant tout autant que ces sculptures. Steiner est toujours souriant même après une chute qui lui érafle le visage. De son côté, Werner Herzog se fait commentateur sportif, se fond dans la masse des journalistes.

Werner Herzog filmait un monde qui n'existe plus. Les compétiteurs viennent d'Union Soviétique, de RDA et le championnat du monde a lieu en Yougoslavie, sur le tremplin de Planica. Assez vite, le skieur comprend qu'il sera l'attraction de ce premier championnat du monde de saut à ski (ou de vol à ski comme le dit Herzog) et que le comité yougoslave a tout fait pour que la compétition soit une attraction majeure donnée au « peuple yougoslave ». 50000 spectateurs se pressent pour admirer ce spectacle. Peu importe que Steiner soit mis souvent en danger, le sport est l'opium du peuple de Tito. Steiner, qui saute largement plus loin que ses compétiteurs, se plaint de la taille trop courte de la rampe de lancement, ce qui le menace d'atterrir hors de la piste.

Cette extase du jeune Steiner, Werner Herzog la filme avec plusieurs caméras installées tout au long du parcours. Il filme les sauts à plusieurs vitesses, normale ou en ralenti. Steiner s'élance tel un oiseau (un corbeau sans doute, il aime cet oiseau) et vole, la bouche grande ouverte. Ses grands skis traversent le cadre, le scinde en deux dans l'horizon avant de revenir à la réalité de la vie. C'est-à-dire soit un saut victorieux (il sera champion du monde avec 20 mètres de plus que les autres) soit un gamelle que Herzog commente avec un sens du suspense retords. Ces envolées lyriques sont accompagnées d'une musique de Popol Vüh, le groupe fétiche du cinéaste, qui a composé une partition planante et extatique.

Les captures d'écran sont issues du DVD « Les ascensions de Werner Herzog » édité par Potemkine Films en 2015.










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